17 Novembre 1994.
Comme tous les matins, tu te retiens de jeter ton réveil par la fenêtre. Six heures, c'est bien trop tôt. Comme tous les matins, tu traînes en prenant ta douche et ton petit déjeuner. Confiture, croissant, brioche, il y a l’embarras du choix. Comme tous les matins, tu embêtes ton père et t'efforces de le faire sourire. Le fauteuil roulant dans lequel il est coincé depuis la guerre d'Ishval le déprime. Comme tous les matins, tu prends le temps de sortir Snow, malgré le froid glacial qu'il y a dehors. Et comme tous les matins, tu te rends ensuite au QG en chantonnant, l'air insouciante.
Arrivée à huit heures pile, tu te prépares déjà à partir en entrainement. Aujourd'hui, c'est une simulation d'avalanche qui t'attend. Une épreuve bien rude pour le maître, comme pour le chien. Les conditions météorologiques sont bonnes, il fait gris, mais aucune tempête de neige n'est prévue pour l'heure. Tu termines de t'équiper, toi et ton chien, puis vous partez en direction des montagnes situées non loin de là. L'entrainement dure jusqu'à quatorze heures. De retour au QG, tu es exténuée. Ton ventre crie famine, c'est l'heure de manger. Tu déposes Snow au chenil et te rends au réfectoire. Salade en entrée, une part de tourte en plat principal et un yaourt en dessert. On mange bien à l'armée. Durant ton repas, tu écoutes deux de tes collègues discuté. Il paraît qu'un homme a agressé deux soldats. Ils n'ont pas réussi à l'arrêter, mais il le soupçonne d'être un espion de Drachma. Ce n'est pas impossible, la frontière n'est pas loin.
Ton repas terminé, tu retournes voir Snow. Cette après-midi, c'est séance d’obéissance. Comme à son habitude, ton chien excelle dans ce domaine. Il est le chien le plus obéissant de la brigade canine. Il fait ta fierté. La relation qui uni un maître-chien et son animal est très forte. Plus qu'un partenaire de travail, c'est avant tout un ami et un membre de la famille. L'animal ne dort pas au chenil, il rentre à la maison avec son maître tous les soirs. La confiance et l'amour que tu lui portes est indescriptible. Tu donnerais ta vie pour lui.
Dix-neuf heures trente. Il est temps de rentrer à la maison. Tu appelles ton chien et tu quittes le QG de North city. Dehors, il fait déjà nuit. En hiver, le soleil se couche très tôt. Tu prends la rue située à droite et presses un peu le pas. Tu n'aimes pas être seule le soir et tu as un mauvais pressentiment. En cours de route, ton chien commence à s'arrêter tous les deux mètres et à se retourner. Il entend du bruit et toi aussi. Tu as le sentiment d'être suivi. Tu prends une profonde inspiration et demande qui est là. Aucune réponse. Si c'est une blague, elle est de très mauvais goût. Après quelques secondes d'hésitation, tu décides de reprendre ton chemin. Snow a l'air de s'être calmé. Peut-être que c'était ton imagination. Cette histoire d'espion drachman y est sûrement pour quelque chose.
Dix minutes séparent cette ruelle de ta maison. Dix minutes qui vont te paraître interminable. Encore plus lorsqu'un coup de feu retendit, à mi-chemin. Figée sur place, tu ne comprends pas ce qui se passe. Seul la douleur te ramène à la réalité. Tu portes ta main à ton estomac et la regardes. Du sang. On vient de te tirer dessus. La balle a transpercé ta chair pour venir se loger dans ton corps. Plusieurs organes sont touchés. Tu vacilles en arrière, avant de finalement t'écrouler dans la neige fraîche, les yeux rivés vers le ciel. Snow. Tu l'entends aboyer, grogner, puis gémir. Il a essayé de te protéger, mais il n'a rien pu faire. Ton agresseur a déjà pris la fuite, et lui il ne peut que te regarder mourir, impuissant. Il lèche ta main pour te faire réagir. Il ne veut pas que tu partes, mais c'est trop tard. Tu as rendu ton dernier souffle. Il gémit et hurle à mort. Il sait qu'il ne pourra plus jamais t'entendre lui dire à quel point tu l'aimes. Il sait qu'il ne pourra plus jamais jouer avec toi. Et il sait qu'il ne te reverra tout simplement plus jamais.
Couché sur le sol à tes côtés, il ne bouge plus. Pas même lorsqu'un jeune homme aux cheveux blonds s'approche de ton corps. Il est vêtu d'un pantalon noir, d'un t-shirt et d'une grosse veste bien chaude. Pas d'uniforme. Ce n'est pas un soldat. Horrifié par ce spectacle macabre, il s'accroupit lentement près de toi. Il te secoue légèrement et tente de te réanimer, en vain. Le regard empli de tristesse, il se tourne alors vers ton chien. Il tend sa main en sa direction, et le caresse du bout des doigts. Il devine aisément que ce pauvre animal t'appartient. Et il devine aisément ce qu'il doit ressentir en ce moment même. Cette douleur ne lui est pas inconnue ...
- ... Je suis désolé mon grand ... Tu de-
- Halte là ! Quest-ce que !?
Sous l'effet du choque, le soldat reste sans voix. En face de lui, il y a ton corps, ce chien et cet homme aux mains ensanglantées. Dans son esprit, ça sonne comme une évidence. Il t'a tué. Ce parfait inconnu allait être accusé de ton meurtre. Bien conscient de cela, l'homme aux cheveux blonds prend peur et décide de s'enfuir. Le soldat sort alors son arme et fait feu dans sa direction, mais il le rate. Apeuré par le coup de feu qui lui rappel désormais un bien mauvais souvenir, Snow s'enfuit à son tour dans la même direction que le jeune homme. La piste est encore fraîche. Il n'aura aucun mal à le rattraper ... Lui, ce pauvre innocent qui se retrouve maintenant rechercher par l'armée pour un crime qu'il n'a pas commis . . .
La vie est injuste.
La vie ne tient qu'à un fil.