Histoire
"Rien ne se perd, tout se transforme"
Loi incontestée du monde et de la matière. Je n'y ait pas échappé : Une vie contre une autre, j'ai enlevé celle de ma Mère pour prendre mon propre souffle.
J'ai été élevé par mon Père et les domestiques de maison que nous avons, dans le plus strict des éducations mais je n'ai pas à m'en plaindre, cela fait de moi l'homme que je suis maintenant. Jamais je ne regretterai la moindre de ses paroles et de ses décisions. Je me rappelle encore ... tant que mes souvenirs sont intacts ...
1880 - Drachma
Vite ! Je ne peux pas me permettre d'être en retard ! Il va bientôt rentrer !
J'esquivais la plupart des domestiques avec agilité, sans peur de me briser la nuque dans les escaliers. J'arrivais enfin devant la porte que la poignée se tournait doucement. J'arbore un grand sourire et ce malgré mon col qui ne tenais plus en place et ma veste qui s'était froissée, oui, j'allais encore me faire gronder pour ce manque de tenue mais qu'importe : J’accueillais mon Père une fois encore à la maison, comme d'habitude.
"Bonsoir Père, bienvenue à la maison !"
"Mon fils ..." dit-il alors qu'il est aidé des domestiques "... Combien de fois devrais-je te dire de donner attention à tes manières ?"
"Mais je ne voulais pas rater votre retour ..."
Alors que mon regard s'était baissé par gêne d'avoir encore aujourd'hui fait honte à mon paternel, celui-ci me prend doucement dans les bras, quelques secondes à peine, avant de me répéter cette même leçon :
"Être à l'heure c'est déjà être en retard Nikolaï. Combien de fois te l'ai-je répété ?"
"127 fois exactement" répondis-je timidement
Je n'eus qu'un soupir en première réponse avant une invitation à aller souper.
Encore une grande journée, j'aurai espéré rester en ce beau temps qu'était mon enfance ... Mais j'ai trop vite grandi, avec des rêves plein la tête et une volonté sans limites.
1887 - Drachma
"47 ... 48 ..."
Plus que deux tractions avec ce poids de 5kg ... les dernières sont toujours les plus dures à réaliser. Mais je pense déjà au retour de mon Père et de la décision que j'ai prise.
"49 ... 50."
Encore une bonne journée aujourd'hui, j'ai pu faire un meilleur temps en course, dépasser ma limite de pompes mais aussi finir mes leçons de tactique militaire et de communication et négociation. Je me sens totalement prêt à suivre mon Paternel sur les champs de batailles ! C'est plus qu'une vocation, je dois avoir ça dans le sang ...
Je regardais mes bras, ces muscles dessinés à la douleur des courbatures d'antan ... mon regard qui glissait sur mes veines doucement. Pas le temps de réfléchir, je dois être à l'heure, je ne laisserai pas le Général me faire la leçon une 134ème fois !
Je me lave, me prépare comme il faut pour attendre à peine quelques minutes devant cette porte d'entrée, le regard bleu glace sur la poignée et le cœur rempli de fierté. Et soudain, la poignée tourne, les domestiques prennent leur marques avant d'aider le Maître de maison tandis que je reste droit, attendant le mot de départ pour une conversation :
"Bonsoir Fils."
"Bonsoir Père, est-ce que votre journée s'est bien passée ?"
"Malgré les multiples bêtises et problèmes rencontrés ... J'ai crû vivre un petit moment de bonne humeur, rien de très grand."
"Je vois. Alors j'espère que ce que je m'apprête à vous dire vous enchantera !"
Je n'avais absolument pas bougé de ma place et ce malgré le regard inquisiteur de mon Père qui me traversait le corps entier, cherchant peut-être un élément de réponse avant même que mes mots ne franchissent ma bouche.
"Je t'écoute Nikolaï."
"Je souhaite rejoindre l'armée, je veux rejoindre votre bataillon Père. Je serai à vos côtés !"
Un silence comme réponse, je n'aimais pas ça du tout ... un soupir à peine émis avant un son :
"Allons souper."
Je ne savais pas comment le comprendre. Où ai-je fauté ? N'aurais-je pas été assez clair ? Pas assez convainquant ou franc ? Je n'arrive pas à lire les gestes de mon Paternel ... Il semblerait que c'est moi qui soit perdu après ces quelques mots échangés.
Et pourtant, le lendemain, j'étais prêt : debout dehors, attendant le Général, décidé à l'accompagner aujourd'hui ! Ce fut ma première journée en tant que soldat, mais pas la dernière.
A cette époque, je me surpassais pour être le meilleur, être au dessus des autres et devenir la fierté de mon Père comme je l'ai toujours fait. J'ai pris des galons jusqu'à être au plus proche de celui qui a toujours été mon modèle. Droit et fort dans mon attitude, j'étais voué à une grande carrière et à succéder mon Père. Je n'avais nullement l'envie que ce jour n'arrive, quitte à rester Colonel toute ma vie.
1890 - Briggs
Cela fait quelques heures que la trêve est appliquée. Je voyais mon Père faire les cents pas devant moi concernant la proposition de notre ennemi, le Généralissime Bradley. Moi même, je tente de rester calme, concentrant toute mon énergie pour ne rien dire malgré que mes solutions me brûlent les lèvres, que les interrogations me lacèrent la gorge. Tout à coup, il s'arrête puis vient me rejoindre, posant une main sur mon épaule et d'un ton strict il me dit :
"Je vais aller à cette rencontre ... Sans toi Nikolaï."
"Père je désappr-"
"Vous n'avez pas votre mot à dire Colonel."
Cela avait eu l'effet d'un froid inconsidérable ... Je ne savais pas comment le comprendre : Mon statut militaire était plus important que celui de notre lien de sang ? Ou bien, avait-il fait exprès de m'imposer une distance aussi cruelle soit-elle pour que l'attachement n'est plus son droit sur mes pensées ? Je ne sais pas, mais je n'avais qu'une seule réponse, un seul choix : Accepter la décision.
"Bien Général."
J'étais donc condamné à attendre son retour, encore ... comme autrefois. Cela me dérangeait maintenant que j'étais constamment à ses côtés, j'avais l'impression de redevenir un gamin, incapable de faire quoi que ce soit mais qu'importe, je l’accueillerai comme il se doit : Droit et fier.
Ce que j'ai fait.
Tout les soldats étaient silencieux tandis que mon regard ne pouvait se détacher de ce drap blanc qui s'était teinté de rouge par endroit. J'avançais à côté de ce corps dont je redoutais l'identité malgré que je connaissais la vérité sans pouvoir l'accepter. Il me fallait voir ça de face et ce même si mon cœur risque de mourir ...
Ma main s'avance doucement, frôlant le tissu jusqu'à le soulever lentement. Mon souffle s'arrêta en même temps que mon monde s'écroulait : Mon Père était mort, assassiné. Malgré cette vision d'horreur d'une famille brisée, je n'arrivais pas à accepter d'avoir perdu celui qui a été toute ma vie, comme si j'étais devenu orphelin du cœur.
Je replace le drap, le regard fuyant la situation puis ordonna d'un ton froid, tel un homme se battant contre sa propre destruction :
"Emmenez-le à la maison. Nous nous replions."
Je suis resté à ma place pendant que tout le bataillon se hâtait pour ranger chaque arme, tente et autres objets nous appartenant. Je voulais simplement pleurer, laisser ma peine couler le long de mes joues ... Mais je n'y arrive pas. Non, mon sentiment d'abandon devenait petit à petit une haine sans nom envers le véritable coupable de ce bain de sang : le Généralissime King Bradley.
C'est à ce moment que ma nouvelle raison de vivre ne se portait qu'à mettre plus bas que terre cet homme, d'éradiquer toute sa puissance et tout ses idéaux, libérer Amestris de son influence, détruire chaque empreinte qu'il aurait pu laisser. Je l'anéantirai de l'intérieur ...
Le Mort de mon Père contre un nouvel objectif : changer le monde. Après tout ...
"Rien ne se perd, tout se transforme"
Tout est arrivé si vite. Je fus contacté par un homme dont j'ignore le nom, l'âge et l’apparence mais nos idéaux sont les mêmes.
Nos avons longuement supposé, délibéré pour recommencer le lendemain. Étrangement, la confiance s'installait entre cet inconnu et ma conscience, jusqu'à cette décision : La création d'un groupe appelé "Infiltrés"
Mon rôle était bien défini, le sien aussi ... Comme si nos vies était sur scène pour une pièce de théâtre que l'on aurait orchestrée. Qu'importe, tant que mon objectif est atteint. Nous étions chefs mais de nous deux, l'un avait ses limites, l'autre non. J'acceptais avec honneur les limites que l'on m'ordonne.
Plutôt qu'il m'ordonne ... dans l'ombre de nos soldats ... comme une marionnette, pièce maîtresse de son jeu d'échec malgré l'égalité qui nous lie.