REQUIEM AETERNAM. DONA EIS, DOMINE

En ce 14 Octobre 1913, un vent sec agitait des tourbillons de poussière dans le ghetto en ruine qu’était Ishval. C’était habituel ici. En fait, rien n’avait changé en 8 ans. Un homme aux cheveux blancs se tenait juste devant des ruines. Pour une fois, Ludwig était habillé en civil. Gilet, nœud papillon et chemise. Il n’avait pas trop chaud pour une fois. Dans l’Est, il trouvait toujours qu’il faisait trop chaud. En même temps il avait passé tant de temps a Briggs qu’il était désormais habitué au climat polaire du Nord. Sa montre d’alchimiste d’Etat n’était pas dans la petite poche du gilet. Il trouvait que ce serait très insultant de se balader ici avec un symbole aussi meurtrier que celui des alchimistes d’état.

Ludwig soupira. Il venait tout juste de se faire muter à East City et l’avait vraiment mal pris. Comme d’habitude, il n’avait rien dit, pas même essayé de faire annuler la décision. Bon sang, qu’est-ce qu’il haïssait cette maudite région. Qu’est-ce qu’il haïssait ce qu’elle lui évoquait. Qu’est-ce qu’il haïssait les événements funestes qui s’y étaient produits… Heureusement, cette odeur de mort ne trônait plus dans le lieu. Pas plus que les cadavres des Amestriens et des Ishval avaient recouvert le sol d’un tapis macabre a une époque pas si lointaine. Voilà pourquoi il était là, lui et ses cheveux blancs…. Pour faire son devoir de mémoire. Il estimait légitime l’idée de rendre hommages aux victimes. Qu’elles soit Ishvals ou Amestriens importait peu en somme.

Il marchait, tranquillement. Pour une fois, il s’était défait de la démarche  rapide et stricte qu’il s’imposait dans son uniforme. Au fur et à mesure des années c’était devenu quelqu’un d’assez solitaire qui s’était enfermé dans son rôle de militaire pour ne se résumer que par ça justement. Etait-ce un bien ou un mal, il ne le savait pas trop. Enfin, il avait toujours été comme ça. Toujours à se donner corps et âmes. Sauf à Ishval justement. Le jeune homme continuait à marcher jusqu’à arriver dans un quartier qu’il connaissait bien. Les ruines étaient toujours les mêmes. Il en avait tant de fois cauchemarder… Tant de fois… C’était là qu’il s’était « illustré ». Là qu’il avait massacrer des gens. On lui avait donner un nouveau grade. Un grade teinté de sang, a l’odeur de mort. C’était grâce au sacrifice de centaines voire de milliers de vies que Ludwig en était-là aujourd’hui. Un rire amer passa ses lèvres. Il déclara au soleil.

- L’échange équivalent hein ? Le grade de Commandant en échange d’un meurtre de masse n’est pas équivalent !

Il soupira. Il était stupide. Personne ne l’entendrait. Décidément, la guerre l’avait bien amoché. Il repensait à tous ces visages accusateurs. Les Ishvals morts dans la poussière qui semblaient le regarder avec leurs yeux vides, leurs yeux aussi rouge que le sang qu’il avait fait couler. Les yeux accusateurs des soldats Amestriens. Les médisances murmurées dans son dos.

« Regarde, il a la montre. » « C’est un monstre ! » « Combien en ont-ils tué aujourd’hui ? » « J’ai entendu dire qu’ils les égorgent à main nue » « Mais quelle bande de génocidaire…. » « Heureusement que le Flame Alchemist n’est pas dans le coin, j’ai toujours peur qu’il claque des doigts. »

C’était quelque chose que Ludwig avait eu énormément de mal a accepté. Le fait d’être rejeté et traité en paria par ses propres frères d’arme, les gens de son peuple, de sa Patrie. Ca n’avait fait que renforcer sa haine envers le gouvernement, ce gouvernement qui, sans avoir une seule goutte de sang sur les mains était plus meurtrier que tous les soldats d’Amestris réunis. Ce gouvernement qui avait sciemment organisé ce massacre d’Ishval, qui avait sacrifié des Amestriens pour cela. Alors qu’il ne suffisait que d’un tout petit peu de diplomatie pour arranger tout cela, il en était persuadé. Ludwig avait été terriblement marqué par Ishval. C’était à partir de là qu’il avait voulu changer son pays de l’intérieur, changer tout cela, devenir Généralissime et rendre son pays pacifique, moins militarisé… Il y avait tellement de conflits plus ou moins ouverts dans l’histoire d’Amestris que c’en était effrayant. A croire qu’ils ne savaient faire que cela. La guerre. Une perle salée quitta l’un de ses yeux pour venir perler au bout de son menton. Une larme, comme les milliards d’autres qu’il avait versé en secret dans son appartement, dans sa tente, dans son dortoir. Qu’il continuait à verser régulièrement lors de ses cauchemars. Lui, comme tous les autres soldats rescapés d’Ishvals avaient été définitivement altérés par cet évènement. Il ne connaissait personne qui en était revenu indemne. Kimblee était devenu complètement timbré, d’autres devenu hyperviolents, lui souffrant de flashback violents bien qu’ils se soient espacés avec le temps… Le jeune homme soupira en pensant à tous les morts. Il joignit ses mains, ferma les yeux et murmura.

- Le repos éternel. Donnez-leur Seigneur.

Il n’était pas croyant. En tant qu’Alchimiste, il ne pouvait pas l’être. Ça n'aurait-eu guère de logique. Mais son père lui l’était. Un sourire étira les lèvres du Lieutenant-Colonel. Il se souvenait des disputes agitant la maison à ce sujet lorsqu’il était plus petit. Il s’était perdu dans ses pensées, continuant à marcher dans les ruines. Ah tiens, dans cette rue, il en avait tué deux, ici il avait exploser toute une maison en noyant ses habitants… A cause de cette méthode, certains Ishvals l’avaient surnommé le Tsunami a sa plus grande horreur pendant la guerre. A cet instant quelque chose de pas bien grand le percuta.

- Pardon Monsieur. Je ne vous avais pas vu.

Une petite voix aigu retentit. Il baissa le regard. Une gamine ishval avec deux petites couettes le regardait. Elle devait avoir quoi ? 8-9 ans ? Mais que faisait elle dans des ruines ? Vu l’estimation de son âge, elle ne devait pas se rappeler du massacre d’Ishval. Il lui fit un sourire, c’était rare qu’il fasse preuve de gentillesse mais cette gamine faisait naître en lui un sentiment ineffable, mélange de gentillesse à son égard et de rage envers ses propres actes.

- Oh non. C’est moi qui m’excuse.

Pour avoir laisser ton peuple souffrir, pour l’avoir fait souffrir. La gamine devait être pressée car elle lui fit un petit sourire et continua sa route en trottinant après lui avoir souhaiter bonne journée. Il la regarda partir, le sourire toujours aux lèvres. Comment un soldat avait il pu sciemment tirer sur une gamine toute innocente ? Un soupire passa ses lèvres une nouvelle fois. Heureusement, certains avaient survécu.

- La rivière rouge n’a pas tout emporté.

Déclara t il dans une métaphore obscure avant de faire demi-tour. Il était temps d’aller officiellement prendre connaissance de ses nouvelles obligations.

Codage par Libella sur Graphiorum