Mon histoire commence par celle d’une femme  traversant la frontière  d’Aerugo avec deux petits passagers. Cette jeune beauté aux cheveux bleus s'empresse de marier le premier homme qu’elle croise, même s’il est loin d’être séduisant. Une nuit avec lui lui assure qu’il croira en la paternité de ces enfants, fruits d’un viol par un noble pour laquelle elle travaillait. Oui, moi, l’ainé de cet union , a appris l’histoire  la journée ou mon géniteur m'a déshérité.

Par un hasard plutôt malheureux, je fus le premier né et cet homme fonda ses espoirs en moi pour devenir un grand alchimiste d’état bien médaillé. Lorsque mon père découvrit que dans notre paire de jumeau j’étais le seul apte à apprendre son alchimie, il porta toute son attention sur moi. Je voyais bien la déception dans le regard de mon frère et j’aurais sacrifié mon alchimie volontiers pour le laisser subir mon entrainement à sa place.

Tous les matins, alors que mon frère pouvait courir autour de la maison et jouer avec les autres enfants, je devais me concentrer à apprendre toute la théorie dans d’épais manuels, tout en apprenant l’art raffiné d’imiter des écritures. Mes mains se retrouvaient entachées d’encre et mon regard s'attardait au-delà de la fenêtre avec une envie débordante. Je voulais prendre l’air et m'amuser, mais les seules distractions qui m’étaient permises étaient celle de mes entrainements.

Après des repas copieux ou j’avais l’occasion de voler les assiettes de mon frère avec un sourire large au visage, je devais dessiner des cercles de transmutations jusqu’à savoir les tracer les yeux fermés. Les premières années, les diamants que je transmutant étaient minuscules et me prenaient un effort monstrueux, mais plus mon entraînement  progressait, plus je pouvais couvrir de larges secteurs de mon corps avec mon alchimie, jusqu’à pouvoir me faire des poings indestructibles.

Lorsqu’il m'arrivait d'avoir des congés de théorie alchimiques, je m’amusais à aller asticoter affectueusement mon jumeau qui me gratifiait souvent de coups de poing au visage. Oui, plus d’une fois je me suis retrouvé avec un oeil au beurre noir, mais je ne pouvais quand même pas taper mon frère avec des poings en diamant. Bien sur, à chaque fois, mon père nous sermonnait fort. parfois il nous gifflait, mais ce n’était pas commun.

Avec les années passantes, mon entrainement continuait et mon père avait des attentes de plus en plus grandes en mon égard. À mes seize ans, je fis la rencontre d’une jeune femme magnifique dont je tombai éperdument amoureux. Son regard rouge, sa peau foncée et sa chevelure de neige le fit chavirer complètement pour elle. Bien qu’elle n’était qu’une fugitive, fuyant une guerre qui dévastait l’Est, je ne pouvais plus la chasser de mes pensées.

Tous les soirs, je me mis à la rejoindre en secret et ce durant deux années. Lorsque mon père m'annonça qu’il m'avait inscrit à un examen pour devenir Alchimiste d’État afin que je puisse contribuer à l'effort de guerre, je refusai catégoriquement en pensant à ma dulcinée. Sur une impulsion, je transmutai mes poings avant de les abattre de toutes forces sur mon genou droit jusqu’à ce que ma rotule en éclate. Oui, je faillis perdre connaissance tant que la douleur était insoutenable, mais je refusais de la trahir.

Mon père explosa de rage et me chassa de la maison immédiatement tout en m’annonçant qu’à partir de maintenant je ne pouvais plus me permettre de me définir en tant que son fils.  Ma mère me révéla la vérité tout en me donnant de l’argent et une alliance. Elle me souhaita bonne chance avec un clin d’oeil complice et je me trouvai deux branches cassés pour soutenir mon poids, tandis que je rejoignit ma douce une fois de plus. Tant pis pour ce rêve de devenir un alchimiste reconnu , j’en protégeait un autre.

Dans le secret, je lui demandai sa main et nous entamèrent une fuite jusqu’à Central , sous le couvert de la nuit.  Pour moi, fausser des passeports et nous déguiser en vieillards était ridiculement simple. Une entrée dans le train avec de faux billets et ma femme déguisée en vieille dame aveugle et nous rejoignons la capitale du pays. Rapidement, mes compétences de faussaire se montrèrent particulièrement utiles à un vieil homme établi dans une boutique des bas quartiers.

Cet homme me permit d’emménager dans le sous-sol de ma boutique avec ma femme qui attendait alors notre premier enfant. En échange, je travaillait en tant que son apprenti, puis , avec les mois passants je devint son associé en affaires. Mon nom résonnait dans les ombres et un beau jour, mon petit frère cogna à ma boutique avec un bébé qu’il me présenta comme étant son fils. Naturellement, j’acceptai de m’en occuper avec toute la patience dont j’étais capable.

Il avait l’ambition de devenir Généralissime et briller à la lumière, tandis que je me blotissais dans le confort de la nuit aux bras de mon plus grand secret. Remilia ne regretta pas de vivre avec moi et sous le clair de la lune, il nous arrivait de valser, malgré mes béquilles. Bien que nous nous montrions jamais ensembles en plein de jour de peur que des militaires ne débarquent pour l’éliminer comme le reste de son peuple, nous vivions dans un rêve teinté de ténèbres.

Lorsque j'eus vingt trois ans, avec trois enfants à ma charge, j’héritai de la boutique de cet homme qui m'avait pris sous son aile et je devint officiellement un prêteur sur gages doublé d’un faussaire. Pour ces pauvres âmes infortunées sans passeports, je leur fournissait leurs papiers et ils me payaient grassement leur silence. Mon frère venait dormir dans l'appartement au-dessus de ma boutique, tandis que je m’étais aménagé un lit en arrière boutique. Il fallait dire que je ne pouvais guère monter des escaliers avec ma condition, mais mon amour me faisais parvenir des délicieux repas concoctés par ses mains délicates via ma fille aînée de huit ans, Merudi ou mon neveu.

Maintenant, alors que je suis agé de vingt huit années, je peux affirmer que je suis un homme comblé, puisque j’ai une femme, trois enfants, et une famille qui m’accepte tel que je suis. C’est pour cela que j’endosses ma facade d’homme sans scrupules, parce que , bien que la guerre soit terminée, les citoyens ne sont pas prêts à accepter ma famille telle qu’elle est. Ce n'est peut être pas une vie de vivre dans le mensonge, mais je ne veux surtout pas les perdre, cela me détruirait.  Puis, mon frère a beau prendre ses airs arrogants en se vantant de son travail exceptionnel, cela ne l'empêche pas de me faire régulièrement des requêtes.