Comporte des propos et scènes explicites. Attention.

Le salon était chaleureux. La table ronde fraîchement nappée de rouge trônait en son centre. Par-dessus, une lampe à huile éclairait avec douceur cette pièce familiale. Les ombres des quatre personnes dans la pièce barraient les tableaux peints et accrochés au mur. Les peintures représentaient une femme, un homme et leur petit garçon. La dernière ombre était plus grosse.

Logan avait sept ans. Une chimère se tint devant lui. C'était un homme fusionné avec les restes d'un tigre. Sûrement un ancien militaire. Qu’importe ? La folie rongeait cette personne. C'était purement contre-nature. Mais comment avait-il atterrit là ? Dans une maison de campagne isolée ? Il était habillé de manière élégante, un collier de poils rehaussant son costard. Son museau aplatit et ses moustaches ne cassaient pas son image apprêtée. Ses yeux, en revanche, brisaient l'illusion de civilisation. Ils brillaient comme deux vivaces soleils. Et il sourit. Ses longues canines se plantèrent dans la jugulaire de la femme à ses côtés. Le sang jaillit par perle tant qu’il ne la lâchait pas. Et Logan hurlait. Il ne se souvenait plus comment elle s’appelait. Alors il criait « Maman !! ». Son père tenta de s'interposer, mais la chimère le rejeta contre le mur avec une force grandiose. La bête déposa son fardeau par terre en s'approchant du garçon. Ses doigts déformés par la transformation arboraient des griffes épaisses. L'une d'elle passa fermement contre la bouche de Logan. De haut en bas. Et la chimère acheva son onomatopée dans un ronronnement :
« Chut. »
Elle se déplaça lourdement. Vers son père. Mais Logan ne bougea pas. Son corps était traversé de spasmes. Son regard fixe face à lui. Mais au fond de lui, il n'arrivait pas à comprimer son envie de tourner les yeux. Et de le voir. C'est ainsi que naquit sa folie. Qui aurait pu lui en vouloir ? Jeune garçon qu'il était, proie à la peur et la perte de ses parents.
La bête s'empara de la gorge offerte de son paternel d'une main caleuse et griffue. Celui-ci, conscient, mais hébété n'eut pas la force de se battre. Son regard émeraude se tourna vers son fils :
« Cours. Cours ! »
Ce fut inutile. Logan resta tétanisé, spectateur. La créature ouvrit sa grande gueule. Elle emporta une partie du visage du malheureux. Son cri retentit. Le garçon sursauta. Il savait que ce serait bientôt son tour. Que faire ? Si ni sa mère, ni son père ne s'en sortaient, comment pouvait-il faire ?!
Il entendait les os craquer sous la puissante mâchoire de la chimère. Le souffle court, l’enfant éclata en larmes, son cri résonnant contre les murs :
« Pourquoi ?! Pourquoi ?!! »
Il s’époumona, déversant toute sa peur dans cette longue plainte aiguë. Ses petits poings refermés, le regard élargit par le déroulement de la scène sous ses yeux. Un rire acerbe dégoulina dans la gorge de la créature. Elle termina d’arracher un pan de chair du visage de son père avant de se tourner vers Logan.
« Pourquoi ? Répéta l'homme-tigre. Car ce n'est rien d'autre que du bétail. Une proie. »
Il s’approchait à mesure. Après la beuverie et le plat principal, Logan comprit qu'il serait le dessert. Il n'était alors plus question que sa paralysie l'handicape. Qu'importe le reste. L’adrénaline l'emporta. Il agrippa la lampe à huile sur la table du salon et la jeta contre la chimère. La créature reçut le liquide chaud contre l'oreille et grogna vivement ! Logan courut si vite qu'il put, l'ombre de son assaillant derrière lui. Ce dernier lança son bras, ses griffes en avant. Il parvint à toucher le garçon dans le dos et ceci suffit pour l'envoyer valser au fond de la pièce.
Ce qui sauva Logan, ce soir-là, ce fut sa petite taille. Ça et la perte d'audition de la créature. Le garçon avait bondi, ravivé par la frayeur. Il se cacha d'abord sous l’évier quand la chimère cherchait dans le couloir. Puis il se faufila sous le lit de ses parents quand elle bifurqua dans la cuisine. La nuit fut terriblement longue…

Le lendemain, les autorités retrouvèrent les cadavres de trois individus. Un de sexe féminin et deux de sexes masculins. Ils découvrirent le garçon du couple, non loin. Ils mirent cette affaire dans un carton, incapable de la tirer au clair. Mais la vérité c'est…

« … Que je lui ai fait la peau à ce connard ! Tu vois ? Il entendait rien alors il m'a pas sentit arrivé ! J'ai enfoncé un couteau dans son ventre et j'ai vu la couleur de ses tripes ! Ça dégoulinait de partout et va s’y que ça gerbait par terre. Non, la vérité c'est que je lui ai d'abord planté l'aiguille de tricot de ma mère dans la jambe ! Il a pas aimé, pour sûr ! La douleur le piquait tellement qu'il a mit le genou à terre, le con ! Du coup, on a entamé un face à face. C'était lui ou moi, tu vois ? Il allait pour me mettre en charpie, je le voyais bien dans ses yeux. Il rigolait pas. Mais moi non plus, tu sais. Avec le papa à moitié digéré entre les dents, il m'a foutu les boules. J'ai attrapé l'aiguille de tricot et esquiver sa molle patte ! Et là... Bim ! Je l'ai planté dans sa gorge ! Ah ah !... Bandes de... »

Le salon était chaleureux. La table ronde fraîchement nappée de rouge trônait en son centre. Par-dessus, une lampe à huile éclairait avec douceur cette pièce familiale. L'ombre de Logan entachait la pièce. Les peintures au mur représentaient une femme, un homme et leur petit garçon.
Il avait vingt-et-un an, aujourd'hui. Élevé par sa tante, le jeune homme aurait pu essayer de mettre son passé de côté. Au final, personne ne saura vraiment comment il aura réussit à échapper à son bourreau. Une chose était certaine : ce fut la naissance d'un fou. Un fou qui, justement, achevait d'étrangler une proie hybride. Avec son auto-mail au bras gauche, il était plus aisé de dépasser la force de certaines de ces créatures :

« C'est un putain de crocodile qui me l'a déchiqueté, celui-là. Mais j'ai fais en sorte que ce soit pas vain et qu'il s'étrangle avec ! T'inquiète pas ! »

Logan fit mine de tendre son oreille devant le visage de la chimère, ligotée à une chaise. Elle se débattait vigoureusement, le souffle court.

« Comment on m'a arraché lobe ? Ça va te faire marrer, cherche pas. Un de ces hybrides volants qui piaille dans tous les sens ! Ou l'autre léopard, je ne sais plus… »

Soudain, la créature n'esquissa plus aucun geste. Le jeune homme défit les liens de sa victime. Elle ne respirait plus. Il soupira, envoyant les câbles contre le sol. Son regard emprunt de haine accentua son sourire malhonnête. Il s'étira, les bras au plafond avant de les laisser mollement retomber. Il fallait maintenant cacher le corps.
Ainsi était sa routine. Elle consistait à vivre au cœur d'une ville qu'il considérait corrompue. Chaque jour, il chassait. La tête remplie d'idées nouvelles. De récits à partager. Avec ses proies potentielles.


Vous voulez vraiment savoir ce qu’il s’est passé, il y a quatorze-ans ?

Logan rampa contre le sol en tentant d'étouffer ses sanglots. Il avait partiellement blessé la chimère, mais cette dernière n'était pas totalement sourde. Conscient de ce fait, le garçon mit fin à son geste. Il chercha à déglutir, le bruit des battements de son cœur obstruant ses tympans. Un petit couteau au fond de sa paume, il se redressa doucement. Il ignorait l'ombre gigantesque dans son dos. Une main vorace apparut sous ses yeux. Logan n'eut pas le temps de réagir qu'il était soulevé du sol, maintenu par le cou. La douleur était atroce. Sa respiration ne passait plus. La chimère posa son front contre celui du garçon :
« Je peux sentir ton odeur, mon petit. Tu peux essayer de t'enfuir, mais je retrouve toujours mon dîner ! »
Ledit petit n'attendit pas qu'il finisse sa phrase pour planter la lame de son couteau dans le globe oculaire de son vis-à-vis. La chimère, piquée au vif, le relâcha derechef et la lame ressortit. Logan l'y planta de nouveau, puis encore et encore. Aidé de la frénésie de l'instant, il entailla chaque parcelle de peau qui lui était offerte. La chimère tomba raide, sur le sol. Ce qu'il ressentit ce soir-là n'était pas normal. Il le savait. C'était de la satisfaction.