Eric était face contre terre. Son bras droit bloqué dans son dos, il avait le nez dans la boue du terrain d'entrainement. Les muscles tendue et le souffle long, son corps transpirant semblait épouser le sol. Autant de sensations qui lui rappelaient la guerre, les tranchées, les courses poursuites, les déluges de balles, les cadavres... Après avoir passé des heures dans l'enfer administratif, à remplir des rapports et à signer des formulaires de mutations, Eric était de retour dans l'enfer de la guerre. Alors qu'un jeune aspirant maintenait fermement le bras de notre sergent, provoquant des élancements dans l'épaule de celui-ci, son regard et son souffle étaient aussi plats que la plaine. Comme à l'affut. A l'affut d'un faux mouvement du bourreau se trouvant au-dessus de lui. Et puis, comme un éclair frappant à travers le brouillard ou un félin donnant un coup de patte, Eric se retourna. D'une seule torsion du buste et en balayant les appuis de son agresseur, dont la poigne s'était faite moins ferme un quart de seconde, Eric se retrouva cette fois-ci au dessus de l'aspirant. Il empoignait fermement le poignet de ce dernier entre deux doigts qui par torsion et force obligeaient le jeune soldat à mettre un genoux à terre. Après l'avoir vu tapé au sol en signe de reddition, Eric lâcha le poignet meurtrie et attendit que son adversaire ne se relève avant de le saluer comme tout militaire.
Ces frasques, certes un peu puérils, étaient autant de souvenir de son passé d'instructeur qu'un moyen pour garder les réflexes de notre sergent intactes. Lui évitant ainsi de devenir l'un de ces bureaucrates ventripotent qui gangrènent l'administration militaire de ce pays. Un statut qu'il ne voulait guère endosser, laissant cela à ses collègues faignants et opportunistes, ils n'en seront que plus faciles à remplacer. Encore une opportunité de monter en grade.
Eric venait de remettre la veste de son uniforme, arborant le brassard blanc de la police judiciaire à son bras gauche, lorsque son regard fut attiré une présence particulièrement imposante. Une silhouette toute en lignes douces et en courbes abruptes, une enveloppe qui semblait être faite pour appuyer sur la gâchette avec des yeux aussi perçants et des mains aussi fermes. Et puis, la pairs de galons qui ornaient son uniforme en imposerait à n'importe quel vétéran.
Eric s'approcha de la jeune femme avant de lui adresser un salut militaire parfait.

-Lieutenant, c'est un honneur de vous rencontrer en personne.