Ce matin, le ciel laiteux s'était transformé en léger voile azuré, annonçant le beau temps. Seule, chez moi, je me demandais ce que je ferai aujourd'hui, en ce beau jour dont je ne pouvais profiter à l'extérieur.
Assise sur mon lit, je soupirais.
Non seulement je ne pouvais pas sortir profiter du beau temps, mais en plus les visites étaient vraiment rares, et en générale elles étaient à l'attention de ma mère; la seule venue qui était réellement à mon égard avait été y a quelques semaines déjà, mais Shiho était repartie et Ishbala seul sait quand la reverrai-je.
Hier encore, la personne qui avait frappé à notre porte était venue pour ma mère.

Le ciel était d'un azur magnifique, et le paysage à l'extérieur attrayant, comme aujourd'hui. Je me rappelle que le jour était déjà levé depuis longtemps, quand son poing avait soudainement martelé la porte. Cet impromptu vacarme avait été plus fort qu'un grondement d'orage, et plus sec qu'un croassement de corbeau. Quand cette bruyante symphonie s'arrêta enfin, une voix grave mais posée déchira le silence qui venait juste de naître. C'était la voix d'un homme, qui avait clamé être là au nom d'Ishbala, et par le même nom, il avait demandé si une Ishbal répondant au nom de Thanas habitait bien ici.
Ma mère s'était empressée vers l'entrée afin de lui ouvrir, et voyant qu'il s'agissait d'un Ishbal, elle lui avait souris en le priant chaleureusement de rentrer.
Moi, j'étais dans le fauteuil, assise, et je me demandais qui cela pouvait être. Je vis bientôt ma mère sortir des ténèbres qui emplissaient l'entrée avec notre invité, tout deux avançant lentement vers le salon où je me trouvais.
Je me rappelle que l’inquiétude m'avait gagnée plus rapidement qu'une rivière sortant de son lit en temps de pluie. En le voyant, on aurait pu croire qu'il s'agissait d'un envoyé des enfers avec son immense cicatrice stigmatisant son visage de bronze et son allure aussi intimidante que celle de la Faucheuse. Comme une enfant ayant perdu son jouet préféré, ou ayant vu un molosse lui aboyer après, je m'étais réfugiée derrière ma mère quand celui-ci tendit sa main en guise de salut. L'homme avait soupiré devant cette réaction et m'avait affirmé, toujours aussi calme, qu'il ne serait pas là pour longtemps.
Rassurée sur ce point, j'étais retournée dans ma chambre pour lire, afin de les laisser parler seuls.

Mais aujourd'hui, pas de visite.
Enfin, c'est ce que je croyais.
La journée semblait être banale, et la machine boiteuse qu'on appelle «la routine» s'était remise en marche.
Assise sur mon lit, je soupirais. Devant cet ennui perpétuel, je ne pouvais rien faire. Puis, j'avais regardé par la fenêtre. Le ciel dehors était d'un bleu éclatant, raffiné, berçant de sérénité le paysage inatteignable de la ville. Cet inexorable et infini décor coloré se riait cependant bien des seuls êtres qui pouvaient nager à leur guise dans cet horizon unique, les oiseaux. La blancheur de leurs ailes concouraient avec celle des nuages et leur grâce était semblable à celle d'un fleur au vent, c'est vrai, mais bien que les oiseaux soient de beaux animaux libres, il ne pourraient jamais égaler cette couleur bleu.
Je gonflais les joues devant cette injustice, puis allais m'armer de pinceaux et de papier.

Il ne m'avait fallu que moins d'une heure pour réaliser une bonne quinzaine d'oiseaux en papier dont le plumage lisse et blanc avait été peint par mes soins en bleu clair éclatant. Ramenant un escabeau, je me mis à les accrocher au plafond de ma chambre grâce à du fil de couture.
Quand mon œuvre fût terminée, je m'allongeais sur mon lit, haletante à cause de l'effort que cela m'avait demandé, puis je regardais le plafond que j'avais décoré.
Je souris.
Moi qui n'avais jamais pu faire quoi que ce soit de grandiose à cause de ma maladie, aujourd'hui, j'avais pu changer le monde: grâce à moi, ce n'était plus les oiseaux qui jalousait le ciel pour leur couleur, mais le ciel qui jalousait les oiseaux.

Je ne pus néanmoins profiter pleinement de ce bonheur: un poing avait soudainement martelé la porte. Cet impromptu vacarme avait été plus fort qu'un grondement d'orage, et plus sec qu'un croassement de corbeau.
J'espérais que le visiteur ne serait pas celui de la veille, et qu'il n'aurait pas, lui aussi, une grande cicatrice effrayante. Me levant de mon lit, j'emmenais avec moi ma béquille pour aller jusqu'à la porte.

Je pris une grande inspiration, car recevoir quelqu'un semblait pour moi être un effort surhumain tellement en avais-je peu l'habitude.
J’entrouvrais la porte, et après avoir longuement hésité, je regardais d'un œil qui était ce fameux visiteur.

Il était grand. Un "grand parmi  les grands" apparemment, car il s'était présenté en temps qu'Alchimiste d'Etat. C'était un grand, un "grand parmi les grand" charismatique et presque intimidant, bien qu'il avait entreprit un sourire chaleureux. Ce grand, cet Alchimiste renommé, ce "chien à la botte de l'armée" s'était présenté au nom de la paix, en temps qu'individu. Et à vrai dire, après ses premiers mots, je me suis dit...

Qu'est-ce qu'un Alchimiste d'Etat peut-il bien chercher chez moi?

Mais je n'avais même pas eu à lui demander, car déjà il m'avait répondu de lui même. "Un évènement". Mais quel évènement? Ici, entre ces quatres murs, dans cette cage carrée avec si peu d'ouverture sur le monde extérieur, on était comme sur un ilot en plein océan: peu de choses arrivaient. Je crois qu'à ce moment là, quand entendis-je ces deux mots à la suite "Un Evènement", c'était ma curiosité qui m’eut poussée à lui ouvrir la porte tout-à-fait. Curiosité ou peur, je n'aurai su le dire, mais ma conscience voulait apprendre, en savoir plus, comprendre ce que cherchait ce Grand au nom de Shiro Alastor.

Il ne m'avait fallu que quelques minutes de rêvasseries silencieuses avant de le faire rentrer dans ce lieu où depuis ma naissance je vivais enfermée. Mon cocon. Ma cage. Être seul dans ce genre de lieu clos, c'était bien triste, mais avoir un invité pour supporter ce poids avec nous, ça l'était moins.

Je l'emmenais au salon, attendant qu'il m'en dise d'avantage sur sa visite, avec l'espoir qu'elle ne fut pas que pour ma mère, qui était une fois de plus absente.

Je pris une grande inspiration, puis enfin, je lui rendis le sourire qu'il m'avait offert.