Une fois n’est pas coutume, Elizabeth était de bonne humeur. Elle marchait d’un pas fringant, sans ronchonnerie, sans sourcils froncés et sans blasphèmes intérieurs. Son mauvais caractère pour une fois en veille lui faisait même afficher un quasi-sourire. La cause de cette bonne humeur peu commune ? Le prototype de visée longue distance qu’elle venait enfin de terminer et qui reposait bien au chaud dans son sac avec tous ses documents de recherche sur le sujet. La jeune ingénieur était en route pour le quartier-général de Central, toute fière de sa nouvelle invention. Elle avait décidé d’y aller à pied pour profiter d’une journée d’hiver plutôt clémente et était partie très tôt, dans l’idée de se balader un peu.

Cela faisait des semaines que la rouquine s’enfermait chez elle avec ses bouquins, et cette bouffée d’air frait la faisait renaître. Bon, la lumière lui faisait un peu plisser les paupières, les bruits et la foule l’étouffaient un peu, et elle se sentait comme un vampire sortant d’une hibernation de trois siècles... Mais elle était tout de même décidée à profiter de sa promenade.

L’envie d’un chocolat chaud la prit et elle s’installa à un café en terrasse, accrochant son sac encombrant à la chaise, Elizabeth se perdit un peu dans ses pensées. Pour ce qui devait être la centième fois la jeune femme repassait dans sa tête la manière dont elle allait exposer sa nouvelle trouvaille à ses supérieurs. Comme d’habitude, tout devait être parfait. La jeune chercheuse était bien trop orgueilleuse et possessive avec son travail pour qu’il en soit autrement. Mais pour le moment elle ressemblait à tout sauf à une ingénieur reconnue, plutôt à une gamine alors qu’un sourire joyeux venait étirer ses lèvres en voyant que de la guimauve trempait dans son chocolat chaud.

« Comme quoi, le bonheur tient à peu de chose » pensa-t-elle fugitivement en portant la tasse à ses lèvres. Mais bien entendu, cet après-midi était bien trop parfait pour que quelque chose ne vienne pas le ruiner. Ou plutôt quelqu’un. La rouquine tomba soudain à la renverse ; un sprinter non identifié venait de saisir son sac en plein course, envoyant voler chaise et ingénieur dans le même mouvement. Couverte de chocolat chaud, Elisabeth ne pouvait penser qu’à ses recherches qui s’éloignaient à toute vitesse. Le sac ne contenait rien d'autre, son argent se trouvant dans l'une des poches de son manteau gris.


(RP LIBRE, vous pouvez donc être le voleur (qui sait ou pas ce qu'il est en train de voler), un passant, un autre client du café, une âme charitable qui vole au secours de la demoiselle et tacle un voleur au passage ou n'importe quoi d'autre qui vous vient à l'esprit. Peut participer plusieurs personnes si vous le souhaitez.)

Les oreilles bourdonnantes d’indignation (et du choc avec le pavé, accesoirement), Elizabeth entendit tout de même clairement la phrase sardonique de l’enflure qui venait de lui voler son sac. Cette pique lui fit grincer des dents et lui donna le courage nécessaire pour se relever et voir une silhouette mince s’éloigner avec agilité, son travail dans les mains. La jeune femme en aurait pleurer ; l’homme lui aurait causé moins de mal en la frappant ou en volant toutes ses économies qu’en touchant à ses recherches. La rouquine était extrême à ce point sur le sujet, oui. N’écoutant que son instinct et sa colère l’ingénieur se décida à courir, ne se rendant même pas compte de son cou rougi par le chocolat chaud bouillant qui lui était tombé dessus. L’homme possédait une belle avance et la jeune femme n’était pas très sportive, c’était le moins qu’on puisse dire.

Avec un désespoir croissant, elle voyait la touffe grisâtre qu’elle avait pris en cible s’éloigner inexorablement. Jusqu’au moment où elle perdit définitivement le voleur de vue. En sueur et haletante, Elizabeth ne souhaitait pourtant pas s’avouer vaincue, un peu trop têtue pour son bien, comme d’habitude. Sans plan précis, elle s’engouffra dans les ruelles sombres à sa droite, espérant tomber sur son foutu voleur.

Alors que son rythme cardiaque reprenait un tempo un peu plus calme et qu’elle arrêtait d’haleter comme un pauvre chien asthmatique en fin de vie, Elizabeth réalisa soudain quelque chose. C’était bien beau de chercher l’homme qui lui avait volé son sac, mais qu’est-ce qu’elle allait faire si elle tombait réellement dessus ? Ses compétences  de lutte avoisinant le zéro absolu, Elizabeth n’était pas en position de le forcer à lui rendre son sac. Et ce n’était pas comme si c’était facile de raisonner avec des délinquants de ce genre... Qu’est-ce qu’elle allait faire, lui demander gentiment de lui rendre ce qu’il avait volé en mode « s’il vous plaît monsieur c’est important pour moi » ? Non, non seulement ce qu’elle venait de faire était inconscient mais aussi dangereux. Ce qu’elle allait faire c’était sortir de ces ruelles lugubres, se rendre au quartier-général et expliquer ce qu’il venait de se passer. Nul doute que les militaires seraient bien plus qualifiés qu’elle pour s’occuper de retrouver son prototype. Et puis, l’armée n’allait pas laisser une technologie nouvelle disparaître comme ça. Qui sait à qui ce voleur pourrait vouloir la revendre...

Forte de cette résolution, Elizabeth fit volte-face. Uniquement pour se rendre compte que, cerise sur le gâteau, elle n’avait réellement aucune idée de l’endroit où elle se trouvait. Lâchant un soupir excédée, la rouquine s’engouffra dans l’une des rue qui lui faisaient face au hasard. Une impasse. Et son voleur. Paniquée, Elizabeth ouvrit la bouche sans savoir que dire, plissant les yeux pour dévisager l’homme qui lui faisait face. Ok... La personne qui lui faisait face ne semblait même plus réellement humaine. Pensée incongrue du moment ; Elizabeth se promit de ne plus jamais se plaindre de la balafre sur sa joue ou de son bout d’oreille manquant. C’était mignon comparé à ce qu’il lui faisait face. Qu’est-ce qui avait bien pu lui arriver pour se retrouver dans un état pareil ? Entre les automails et les balafres, il donnait l’impression de revenir du front ou quelque chose du genre.

Décidant que ce n’était pas le moment de satisfaire sa curiosité, la jeune femme amorça un recul prudent que la voix du voleur annula aussi sec. Oh, un couteau. Elizabeth sentit toute couleur se retirer de ses joues. Autant dire que le peu de courage qui lui restait s’envola bien vite. Et elle qui avait normalement toujours un sacré répondant resta muette comme une carpe malgré l’injonction du criminel. Oui, les clowns paraissaient une meilleure idée.
L’ingénieur se sentait paniquer de plus en plus mais ses jambes refusaient de lui répondre alors qu’elle n’avait qu’une envie, partir en courant. Visiblement, son silence involontaire semblait irriter le lunatique et elle sursauta à ses dires sans queue ni tête.

De plus en plus paniquée Elizabeth leva ses mains au dessus de sa tête et avança un peu pour que le voleur puisse la voir. Peut-être que s’il se rendait compte qu’elle n’était pas une menace...

« Je... Je... m’apppelle Elizabeth. » balbutia-t-elle d’une voix tremblante, fixant sans le vouloir le visage couturé de l’inconnu. « Et je voulais récupérer mon prototype et mes notes mais je vois que c’était une mauvaise idée, un très mauvais plan et tout, alors je vais m’en aller maintenant, hein... »

Joignant le geste à la parole, elle baissa les bras et commença à reculer vivement.

HRP: