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Mei Lin Yuan
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MessageSujet: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptySam 10 Mar - 20:24




Salem et Shaïr

Il y a des jours comme les autres. On se lève, on boit un café, on mange un toast, peut-être des œufs lorsque notre salaire nous le permet, puis, on s’habille avec la combinaison et la salopette des ouvriers, et on s’en va au boulot pour la journée. Lorsqu’on arrive à l’usine, il fait encore nuit, et en pointant pour signaler notre venue, on sait que pour le départ, le ciel sera tout aussi sombre. Travailler dans une usine de charbon n’est pas une sinécure, mais c’est moins épuisant que la course équestre pour retrouver un prisonnier, ou encore les enquêtes nocturnes pour savoir qui a tué mon frère et qui je devrais tuer ensuite.

C’est un travail qui ne nécessite que l’usage du corps, mon esprit n’a pas à en être, alors je m’y laisse aller. Ça me permet de réfléchir tout en gagnant mon pain. Et réfléchir à quoi, me direz-vous ? Tout simplement à l’endroit où pourrait se trouver celui qui a commencé tout ça. Celui qui, bien avant moi, a vu ce que l’empire à fait de notre pays, ce que l’empire a détruit au lieu de construire. Quand je pense à mon passé, à notre vie avant la prise de contrôle du pays, je me dis que je préférais la faim et les yourtes, plutôt que l’opulence et la traitrise. La haine et le mépris était une sorte de duo qui emprisonnait les sens de tous ceux vivant au palais, et personne ne pouvait s’y déroger.

Moi-même, j’avais hais toutes les femmes qui s’étaient entichées de mon père uniquement pour son titre, et chacun de ses nouveaux enfants m’étaient apparus comme des résidus de sperme à évacuer. Ils ne méritaient pas de vivre. Fruits d’union extra-conjugale et reconnus comme prince simplement parce qu’ils étaient issus de l’empereur… Des traitres à leurs sangs prêts à tout pour le pouvoir. Je ne voulais pas d’eux sur le trône, et le cœur de mon père avait été privé de raison à la naissance de ces premiers fœtus d’hommes.

Ainsi, pour moi, il n’y avait qu’une seule personne méritante encore, dans ce monde. Une personne issue de chez moi, membre d’un clan pourtant monstrueux à l’image de mes faux frères et sœurs. Jin Wan-Han. J’avais dessiné un vague portrait de lui, que je gardais plier en quatre dans la poche de ma blouse, pour être certaine de ne pas le manquer si je le croisais. Et tandis que je faisais passer le charbon dans ma brouette, et partait avec hors de la mine – les petits wagons sont réservés à l’élite – je réfléchissais à ses dernières traces. Je savais qu’il était en Centre-Ville, vous aussi, vous le savez, je suppose, mais où se cachait-il ? Sous quel nom ? Quelle apparence ?

Puisque moi, je suis un homme aux yeux des Amestrien, il ne doit pas être difficile de se faire passer pour un autre. Les gens ne font pas attention à notre apparence, tant qu’on leur sert, ou non, c’est tout ce qui compte. Je posais mon chargement à l’entrée, et le soulevais ensuite pour déverser les cubes noircit sur le tapis roulant mécanique. C’était une très belle et pratique invention que voilà, quand bien même les conditions de travail étaient ignobles… Du moins, pour des gens qui n’avaient pas l’habitude de travailler depuis leur plus jeune âge. Moi, je trouvais ça aisé.

Je retournais alors au fond de la mine avec ma brouette, et recommençais le travail sans vraiment y penser. Je connaissais ses habilités à combattre et tuer, mais il avait dû refaire sa vie, comme moi, découvrir d’autres talents, travailler… Ce n’était pas vraiment courant les meurtriers par ici, c’était je dirais même, interdit par la lois… Mais dans quel domaine s’était-il liés ? Je ne savais pas encore, mais et vous ? Non plus je suppose. Vous étiez de toutes façons, persuadés que en tant que princesse, je vivais la belle vie, à me dorer la pilule au soleil pendant que les autres me servaient du thé et des biscuits…

La cloche de la fin de journée retentit.

On quitte nos postes, on retire nos gants, qu’on pose à l’entrée. Certains se serrent la main, d’autres se mettent à rire, parlent d’aller boire un coup. On se plaint de devoir rentrer et faire son linge, ou d’entendre les enfants hurler qu’ils ont faim. Lorsque ça parle d’enfants, je me sens de trop et m’éloigne dans une démarche forte.

« À demain, les gars, courage avec vos femmes ! »

« Ouais, à demain, Shaïr ! » répond celui avec qui je partage mon déjeuner le midi.

Je quitte donc la mine et m’éloigne. Je ne prends pas la peine de rentrer dans ma petite chambre, j’ai besoin d’un verre. Ils semblent tous horrifier de rentrer à cause de leurs gosses, et moi, je tuerais pour retrouver mon petit prince. Mon héritier disparu à cause de la fièvre. Et la mort de son géniteur n’a pas retiré ma peine… La première taverne qui passe en rentrant vers le centre-ville m’attire, et je m’installe dans un coin, prés de la porte. Une chaise en paille miteuse, et une table bancale… Je comprends mieux pourquoi personne ne s’y met…

Il y a du monde, pas mal d’ivrogne, des gens de la mine, et même des bourgeois en quête de boisson. La lutte pour la tempérance en fait fuir quelques uns. Moi-même, je me suis faite interpellée par ces femmes prête à tout pour rendre les gens purs et sains… Ces histoires de chaperons pour les demoiselles, la destruction de l’alcool et des lieux qui le proposent me passent totalement au-dessus… Je commande une pinte de bière et attend désormais que la mousse redescende un peu pour l’entamer.

Ce fut une journée comme les autres, mais est-ce que la soirée le sera aussi ? Je n’en sais rien. J’ai l’espoir de trouver des indices, une piste, qui me guide jusqu’à celui que je cherche, avec un peu de chance, je trouverais des infos ce soir. Comme lorsque j’étais à North-city, et qu’un gérant d’hôtel m’a dit l’avoir vu en charmante compagnie. J’ai dû payer le prix d’une chambre hautement sophistiquée pour avoir les informations en plus de ma chambre moisie à ce moment-là. Les gens n’aimaient pas parler aux étrangers… Et j’en était une… Un… ça dépendait du point de vue.

Puisque aux yeux de tous, je ne suis qu'un homme comme les autres.

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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyLun 12 Mar - 18:58
Salem lisait le journal, accaparé par les petites annonces, curieux de découvrir un endroit plus en hauteur sur Central City même si son appartement n'était pas à plaindre. Il souhaitait une pièce de vie plus chaleureuse et ses moyens lui permettaient ce genre de caprice. Il emmagasinait plusieurs boulots et faire chauffeur taxi de nuit rapportait très rapidement de quoi gagner sa croûte. Il avait soigneusement posé sa montre à gousset à côté de sa pinte qu'il ne buvait jamais. Son masque lui interdisait ce genre de plaisir publiquement. Néanmoins, fervent de la routine et des bruits alentours, il se passionnait pour la vie de tous les jours. C'était plus rassurant qu'un silence maussade que d'entendre les habitués de ce bar rirent aux éclats. Beaucoup de mineurs se rejoignaient ici, ainsi que des ouvriers. C'était moins prestigieux que certains cafés mais beaucoup familial. Ils plaisantaient beaucoup, n'étaient pas lourdeaux même s'ils leur arrivait de dévisager les nouveaux arrivants avec insistance. À force de venir ici, Salem suivait le même quotidien sans vraiment sans rendre compte. Il n'avait plus besoin de demander ce qu'il voulait boire, car sa commande était tant atypique que le barman l'avait très vite retenu. Après tout, qui commandait de la bière pour ne jamais la boire ? Mais personne ne s'en plaignait puisque le jeune homme ne faisait aucun tapage. Ils n'avaient même jamais entendu le son de sa voix. Et il payait.

Il plissa les yeux sur les toutes petites lignes d'un article, la lumière tamisée ne lui laissant pas le choix. La mousse de sa bière pétillait au-dessus du verre carrelé et se mit à tanguer légèrement quand quelqu'un referma la porte de la taverne. Les murs et les tables semblaient reliés entre eux par l'âge et l'usure. Ils grinçaient, chantaient à leur rythme comme si le bois était totalement indépendant de l'homme qui l'avait mis là. Un silence s'installa durant quelques secondes où tous les hommes et les femmes levèrent la tête pour observer le nouvel arrivant. Salem n'y manqua pas et même s'il avait été logé à la même enseigne à sa première arrivée, il ne ressentait aucun mal à le faire à son tour. Malgré son insociabilité, il n'en restait pas moins un curieux petit garçon qui se refoulait.

L'homme qui était entré n'était pas un habitué. C'était sans doute la raison pour laquelle les yeux s'attardèrent d'avantage. Néanmoins, par respect, les paupières se baissèrent vivement. Mais Salem continuait de le fixer. L'inconnu semblait avoir repassé un mur avec son front et de la poussière s'abandonnait ci-et-là autour de lui. S'il éternuait, un nuage noir poudrerait les murs, à n'en pas douter. C'était un mineur, comme ceux qui étaient attablés un peu plus loin. Salem observa un long moment le jeune homme qui attendait sa commande. Cela faisait quelques minutes que sa langue bifide ne cessait de faire des aller-retours jusqu'à la pointe de son masque. L'odeur qui se dégageait de cet homme était très différente des autres. Salem savait très bien ce qu'il était train de sentir mais rien n'expliquait pourquoi un homme secrétait des phéromones féminines.
Un coude sur la table, il fouilla la grosse poche de son manteau et en sortit un carnet. Ce ne fut qu'à cet instant que ses yeux se baissèrent pour mieux distinguer son écriture. Le serpent qui vivait en lui n'était plus une énigme. Il s'était juré de tout connaître et de ne rien laisser au hasard. Il inscrivait au fur et à mesure tout ce qu'il découvrait sur ses capacités. Salem tourna quelques pages jusqu'à découvrir celle qui l'intéressait. Pourtant, il avait beau relire son exposé, les hommes sécrétaient de l'androsténol et ce n'était définitivement pas le cas.
Salem releva les yeux, remarquant combien le nouvel arrivant semblait imberbe malgré ses épaules assez larges. Il en existait énormément et cela n'était pas une preuve, en soit. Cependant, plus il l'analysait et plus ses doutes semblaient se confirmer. C'était une femme.

Pourquoi se cachait-elle à ce point ? Personne ne semblait rien remarquer et jusque-là, aucune d'elles ne lui avait semblé faire la même chose. Est-ce qu'il y avait un lien avec le fait qu'elle semblait étrangère ? Salem avait beaucoup voyagé, mais l'inconnue ne lui disait strictement rien. Il n'avait pas fait le tour du monde, après tout.

Il rangea son carnet bien au fond de sa poche, non loin de ses gants de conduite. Il lui restait quelques heures avant son service et intrigué, il se leva, pinte en main. Il traversa le peu de distance qui les séparait et posa son verra sur la table de la jeune femme. Sans un mot, il s'assit. La hanse de la chopine entre les doigts, il trinqua contre celle de l'étrangère avant de reposer son verre.

« Bonsoir »

Sa voix rauque était étouffée dans le cuir de son masque, camouflant de ce fait les mouvements de sa langue animale. Néanmoins, le sifflement démesuré et sa difficulté à articuler les consonnes autrement que le « s » ne passaient pas inaperçus. Il prit soin de parler doucement :

« Vous êtes nouveau dans le coin ? »
***

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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyMar 13 Mar - 17:27




Salem et Shaïr


Il m’arrivait d’être dévisagé à cause de mon apparence d’étrangers. Comme probablement tout le monde en fait. On débarque dans un coin où personne n’en a vu des comme nous, et on devient le sujet de toutes les conversations. C’était normal, et quand j’avais vu mon premier amestrien, j’avais fait pareil étant petite. Je m’en souviens très bien, parce qu’il avait été accueilli par celui que je rêvais désormais de voir au bout d’une corde. C’était un voyageur perdu que nous avions retrouvé en plein désert, et Kubilai avait tenu à l’inviter à notre repas.

Mon plus jeune frère et moi-même étions restés bouche bée, incapable de manger, face à ses manières, sa peau pale, ses grands yeux et sa barbe taillée. Il avait les cheveux bouclés en plus, ce qui était vraiment très rare chez nous, et blond. Encore plus rare. Marcus, qu’il s’appelait. Ça aussi, on avait eu du mal à le prononcer. Mais il n’était pas resté longtemps, le temps d’un repas, de quelques contes, et il était repartit… Pour qu’on le retrouve plusieurs semaines après, desséché, dans le désert et mangé par les charognes.

Je ne me préoccupais donc pas du garçon avec le masque bizarre accoudé au comptoir. Lui aussi, avait dû être dévisagé, et franchement, je m’en fichais pas mal. Tout ce que je voulais, c’était siroter ma bière tranquille et recueillir des informations sur ce qu’il se passait ici. Avec un peu de chance, il y aurait des infos sur l’homme dont le portrait dessiné se trouvait toujours dans ma poche de blouse. C’était pour lui que j’étais là, malgré les dangers, le bruit, les éclats de rire, la fumée de cigarettes et l’alcool. Ils fuient leur famille, et ne savent pas tout ce qu’ils vont manquer… Ou alors ils s’en fichent ? je n’en sais rien.

Je pousse un soupir, avant de prendre une gorgée de ma boisson mousseuse, essuyant ma lèvre supérieur d’un coup de manche un peu sale. Ça fait du bien. Je m’accoude alors sur la table bancale, gardant mon pied sur la base de cette dernière pour la garder stable, et commence à observer les alentours. Il y avait un flic à l’autre bout de la pièce, entouré de deux mineurs et d’un barman en pause. Celui-là même qui m’avait servi avec un froncement de nez. Si je n’entends pas ce qu’ils se disent, leur corps parlent pour eux.

Ils vont surement faire une partie de carte plus tard… En tous cas, il est clair que c’est le flic qui lance la partie, puisque tous viennent de lui céder quelques billets. À moins que cela ne soit des pots de vin… Mais qu’importe, ce n’est pas leur addiction au jeu qui m’intéresse, mais ce qu’ils pourraient savoir d’un homme comme moi… Car si je leurs apparais comme un étranger, Jin Wan-Han le sera tout autant. J’allais pour poursuivre mon observation des lieux et de leurs clientèles, lorsqu’un manteau noir passa devant ma vue, cachant mes cibles.

J’ai papillonné des yeux avant de comprendre qu’un homme s’était approché de moi avec sa chope et venait de se poser en face. Il trinqua contre ma bière avant de la reposer sur la table bancale sur laquelle j’appuyais avec un peu plus de pression par surprise. Je m’étais laissé aller à mon observation, oubliant que je pouvais être une cible à tout moment. Je n’étais plus à Xing, mais combien de temps mettraient les fils inutiles de mon géniteur à comprendre la supercherie ? La plupart étant déjà partit de la capitale dans le but de trouver des trésors d’ingéniosités afin de se voir accorder le trône… Stupide puisque l’immortalité réclamée par notre ancien Kubilai lui permettrai de rester à la tête de l’Empire.

Le visiteur me souhaita le bonsoir avec une voix bizarre… On aurait dit qu’il avait des difficultés à parler correctement.  C’était peut-être le masque qu’il portait sur le visage, mais j’avais des doutes, parce que c’était sur les consonnes qu’il butait. Un problème génétique qu’il cache ? Ce ne serait pas le premier, les pied-bot cachaient souvent leurs défauts dans des talonnettes ici, ou chez moi, ils préféraient s’amputer et dire que c’était une blessure de guerre. Ça avait au moins le mérite de leur donner un peu d’intérêt et de la monnaie.

L’homme qui portait un masque me demanda alors si j’étais nouveau, et je haussais un sourcil perplexe. Je ne pouvais pas trahir ma couverture, peu importe avec qui. Seul Jin Wan-Han aurait la possibilité de savoir qui je suis réellement. Sinon, l’info pourrait fuiter jusqu’aux oreilles de mes demi-frères qui trainent dans le coin. Et je n’ai pas envie d’avoir à les tuer en publique pour l’instant. Ce n’est pas correct dans les coutumes d’Améstris.

« Je suis pas nouveau. Juste pas dans les horaires. Mais le boss m’a changé de quart, alors je suis de jour maintenant. Parait que c’est pour éviter les effondrements de nuits. Y doit surement y cacher un truc. Mais z’êtes qui vous ? Avec votre masque, ça ne court pas les rues… »

J’avais travaillé mon accent en partant de Xing, et je savais que je donnais l’impression d’être légèrement illettrée, mais c’était voulu, pour éviter les problèmes. Je ne connais quasiment aucun mineur qui sache lire et écrire en même temps, et même lorsqu’ils savent lire, ils butent sur les mots et ont des difficultés à articuler. Je le sais, parce que j’ai dû leur lire le manuel d’usage de mineur dans l’extraction du charbon. La plupart ne comprenait pas le pourquoi des consignes de sécurités.

Je me suis saisit de ma chopine, et j’ai bu une longue gorgée, avant de la reposer, d’essuyer ma bouche avec ma manche, et de retourner mon regard vers le masqué.

« Vous m'voulez quoi ? »



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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyMer 14 Mar - 23:02
« Je ne suis pas nouveau. » Salem ne broncha pas. Il écouta attentivement la voix qui sortait entre ses fines lèvres, les coudes sur la table et les mains liées en dessous du menton. La jeune femme parlait vite et quelques mots ne finissaient pas entier. Elle but une gorgée avant de s'essuyer la bouche d'un revers de manche. Salem gardait les yeux rivés à ses lèvres. Elles étaient petites, mais il n'avait pas un œil anodin sur ce genre de détail. S'il retirait son masque, le malheur s'abattrait sur la taverne, constatant sa bouche aussi large que souriante, lui mangeant le bord des joues comme le fait si bien celle d'un serpent. Il s'était toujours demandé ce que les humains pouvaient penser de son apparence. Était-elle effrayante ? Ridicule ? Lui-même l'avait trouvé aussi stupide qu’angoissante.
Il releva les yeux dans ceux de l'inconnue, incapable d'y déceler un doute particulier. Pourtant elle n'avait pas démentit qu'elle était un homme. Il avait lui-même fait la connaissance d'un homme très efféminé à Rush Valley et se demanda si cette femme n'était pas son contraire. Peut-être aimait-elle être ainsi. Il n'avait pas le regard jugeur. Curieux dans sa plus pure des définitions, il ne cessait de la fixer, l'iris pourfendu. Ses yeux étaient si petits et clairs que ce détail ne manquait pas à ceux qui l'observaient véritablement. Le jeune homme avait toujours eu cette particularité, ce regard sauvage et glacial. Néanmoins, son intention était loin d'être malhonnête. Dans sa tentative d'apprentissage, il était penaud et prit la hanse de sa chopine entre ses doigts. Il la caressa du pouce, songeur. Serait-ce malvenu de poser la question qui éveillait sa curiosité ?

Il n'avait jamais été éduqué pour avoir des convictions religieuses ou sur les mœurs actuelles. Salem était un coffre vide qui se remplissait peu à peu de chaque petite pièce qu'il apportait. Cependant, en étant aussi peu bavard, il n'apprenait pas grand-chose. Il s'apprêtait déjà à faire demi-tour, convaincu que dans sa démarche, se trouvait là une chose qui ne devait pas y être. Pourtant, cela faisait quelques années qu'il vivait à Central City et il n'avait jamais vu de femme déguisée en homme. Elles ne se séparaient que très rarement de leurs coutumes particulières, de leurs beautés uniques ou encore de leurs parures clinquantes. Tout, dans l'allure des femmes criait qu'elles en étaient. La différence n'était pas tant flagrante lorsqu'on les comparait aux hommes qui, dans leurs uniformes, leurs poignes et leurs postures, insufflaient l'envie de s'afficher comme tels. Ils avaient une identité qu'on leur avait donné dès la naissance. Femme ou homme. Ils étaient la représentation d'une époque. D'une mode. Mais ils étaient rarement ce qu'ils voulaient être.
Était-elle devenue ce qu'elle souhaitait ? Là était la question qu'il se posait.
Du peu qu'il avait vu durant ses voyages, les gens ne se révélaient qu'à un moment particulier de leur vie. Quand ils échappaient à la mort. Ils faisaient une rétrospective intérieure et finissaient par ressentir l'envie de se détacher du reste. Ils devenaient eux-même. Que voyaient-ils de si salvateur dans le tunnel de la mort ? Quelle sensation en rapportaient-ils ? Une paix mourante ou un malaise apaisant ? Était-ce éphémère ?

Salem savait qui il était grâce à la mort. Où était-ce l'humiliation ? Mais une chose dont il n'avait jamais douté, c'était qu'il était un homme.

Salem jeta un coup d’œil aux mineurs attablés un peu plus loin avant de revenir sur la demoiselle. Savaient-ils ? Elle n'en avait réellement que l'odeur et ceci le rendait toujours aussi perplexe. Il chercha ses mots avec soin, la langue bifide en mouvement. Un sifflement succinct s'échappait des trous du masque chaque fois qu'elle s'enroulait dans sa bouche. Il tendit doucement sa main au dessus de la table. Son corps ressemblait à un amas de flemme. Il fut si lent que la jeune femme aurait gagné du temps à se tricoter une grande peluche avant qu'il ne lui présente sa paume ouverte pour serrer la sienne :

« Je m'appelle Salem. C'est... votre nom ? »

Le « q » était horriblement pénible à prononcer et il préféra zapper le pronom interrogatif plutôt que de devoir recommencer sa phrase une dizaine de fois. Il avait déjà utilisé son ultime effort pour prononcer un « c » un peu plus tôt. Il n'était pas sans savoir que sa difficulté à prononcer certaines lettres le faisait paraître parfois simplet aux yeux des autres. Néanmoins, son regard modifiait derechef cette impression. Il attendait de connaître le prénom de l'étrangère pour se faire une idée globale, mais téméraire comme il l'était, il n'allait pas tarder à mettre les pieds dans le plat. Il voulait écouter davantage sa voix afin d'être totalement certain, même si un sens comme celui qu'il détenait ne pouvait se tromper. A Rush Valley, il avait mis un moment à ouvrir la bouche face au travesti qui l'avait accueilli. S'il essayait de ne pas reproduire la même erreur, il ne cachait sa perplexité que derrière son regard insolite et ses gestes fourbus.

Et bon dieu qu'il avait soif ! Si elle continuait de boire des gorgées pareilles en usant de sa manche pour extraire les gouttes ambrées, Salem allait finir par demander une paille. A vrai dire, il y avait déjà songé, mais il n'était pas empoté au point de ne pas reconnaître combien cela serait bizarre. S'il se fichait pas mal de l'image qu'il renvoyait, il savait d'ors et déjà que passer plus de cinq minutes à mettre une paille dans un trou de cuir serait de trop dans cette conversation. On finirait par lui poser trop de questions (car c'était définitivement la seule chose qui lui importait) et comme il se passionnait pour l'esquive le concernant, il n'aimait guère qu'on s’intéresse à son cas s'il ne l'avait pas envisagé avant. Après tout il pouvait toujours mentir. Mais il détestait cela. Le mensonge était une aberration destinée à foudroyer la vie des gens. Les bons comme les mauvais ne cessaient d’empiéter et rendre la vie plus compliquer sans aucune raison. Il avait déjà bien du mal à apprendre de la vie, la vraie, sans que les mensonges ne viennent perturber cette amère harmonie.

Allait-elle mentir ?
***

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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptySam 17 Mar - 19:37




Salem et Shaïr


Comme je sentais son regard sur moi, je finis par venir croiser le sien, pour y voir une étrangeté. Ils étaient clairs, très clairs, mais ce qui me gênait, ce n’était pas la clarté propre aux gens de ce pays, c’était l’iris toute fine. Il me faisait penser à un crotale dans le désert. Mais sans les écailles, et sans le désert. Il ne buvait pas. Pourtant, il n’arrêtait pas de jouer avec sa chope de bière. Un problème avec son masque ? Il ne voulait pas être reconnu, ou bien cachait-il quelque chose là-dessous ? Je haussais les épaules dans ma tête. Ce n’est pas mon problème, à moins que cela ne le devienne. Mais c’était à lui de me le dire.

Il détourna la tête un moment, moment pendant lequel j’en profitais pour le détailler à mon tour. Il n’avait rien d’un xinois, et je ne connaissais pas non plus sa silhouette, donc je doutais qu’il puisse m’apprendre quoi que ce soit. Non. Ce devait être un homme en recherche de quelque chose, lui aussi. Mais quoi ? Car si moi je cherche un homme et ressemble à un mineur qui vient de finir sa journée, lui, n’a rien à voir avec les mineurs, qu’il observe d’ailleurs en ce moment même. Non, je ne sais pas ce qu’il est, mais j’attends de voir et comprendre ce qu’il me veut.

J’espère qu’il ne cherche pas une épaule compatissante, parce que je ne suis vraiment pas douée pour ça. Donner des ordres, fomenter une rébellion, préparer une guerre ou tuer, ouais, mais pas écouter les gens raconter leurs vies. J’allais boire une nouvelle gorgée lorsqu’il sembla vouloir tendre sa main. Vu le temps qu’il mettait, j’en profitais pour boire une nouvelle gorgée et m’essuyais le haut de la lèvre avec ma manche gauche, pour en revenir à lui.

Là, il se présenta, mais les sons produits étaient bizarres, et je commençais à me demander s’il ne cachait pas une infirmité quelconque liée à sa bouche. Un bec de lièvre ? Peut-être, je n’en sais rien. En tout cas, il s’appelle Salem, et je peux confirmer qu’il ne ment pas à cause de sa gestuelle, mais qu’il demande comment moi, je m’appelais, c’était surprenant. Vraiment, j’espère juste qu’il veut faire ami-ami, et pas pleurer sur mon dos pour une femme disparue, ou des gosses perdus, moi, je ne suis pas là pour ça., et je me plains pas non plus.  

Salem donc, un nom particulièrement difficile à prononcer lorsqu’on a des problèmes d’articulation comme lui semble en avoir. Mais on ne choisit pas son nom, n’est-ce pas ? Ou bien on sait d’où ce dernier nous vient, et on décide de l’oublier. Pendant la première partie de ma vie, je m’appelais Shaïra, le serpent de l’ombre, mais lorsque mon géniteur a pris le pouvoir, nous avons tous été renommé. Mei Lin… Magnifique fleur de jade… Si peu lié à mon caractère. J’avais reprit mon nom d’origine en quittant le pays, je l’avais même raccourci, puisque c’était les attentes de Kubilaï que de me savoir être son 7e fils.

Je soupirais, donnant une fatigue passagère au personnage que je jouais, un mineur ayant perdu femme et enfant, et condamné à travailler dans les mines de charbon jusqu’à la fin de ses jours. Je suis venu saisir la main tendu dans une poigne forte et plus que virile, cette même poigne que l’on s’offrait avec Hang Hua lorsqu’il était encore en vie. Avant de relâcher la main et de retourner saisir la hanse de ma boisson pour la rapprocher de mon visage.

« Shaïr… » Je reniflais péniblement par cet admirable jeu d’acteur que je possédais, et reprit la parole. « C’est Xinois, pas grave si v’pouvez pas le dire. » Je surveillais cependant le moindre de ses faits et gestes, crainte de me retrouver avec un dépressif, ou cherchant à comprendre l’homme qui me faisait face, je l’ignorais. Mais ma paranoïa naturelle m’avait permis de me sortir de bon nombres d’embuscades. Mais pas de sauver Kukachin ou mes frères.

« Par contre, n’avez pas répondu. Vous m’voulez quoi ? je n’ai pas assez d’argent pour vivre, et je joue pas aux cartes. » Oui, méfiant le mineur, mais lorsqu’on est à la recherche d’un fugitif, il ne faut pas occulter la pensée que l’on puisse être soi-même recherché par d’autres.




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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyDim 25 Mar - 17:02
Shaïr. Le jeune homme ignorait si ce prénom était masculin ou féminin. Ses épaules s'affaissèrent et il reprit sa main en la fourrant dans sa poche de manteau. Néanmoins, il pouvait enfin mettre quelques origines sur les traits particuliers du visage de l'inconnue. Une Xinoise. Il penserait à se renseigner d'avantage sur ce pays par curiosité. Shaïr ne semblait pas mentir et malheureusement, Salem ne pouvait en être certain à cause de ses faibles connaissances sur les origines des prénoms. Si le sien faisait typiquement masculin comme c'était aussi le cas de celui que ses parents adoptifs lui avaient donné, Shaïr sonnait à ses oreilles comme un son indistinct. Il se garda bien de le prononcer à son tour pour ne pas l'écorcher. Était-ce une coutume Xinoise que de se déguiser en homme ? Néanmoins, plus il la regardait et plus il pressentait que ce n'était peut-être pas pour son bon plaisir. Il n'y aurait aucun intérêt à sortir de son pays pour s'afficher comme tel, poussiéreux et abîmé par les pioches. Les pieds qu'il s’apprêtait à mettre dans le plat ripèrent sous la table quand il posa ses coudes sur le bois pour se rapprocher.

« Est-ce un déguisement disgracieux ? »

Les deux mains liées contre son torse collé à la table, il inclina la tête dans sa quête de compréhension. Les sons sifflaient dans l'étau de son masque alors qu'il reprenait, avide de connaissances :

« Vous dissimulez votre juste existence. Est-ce un artifice ? Une fausseté destinée à blouser ? »

Il n'y avait que comme ça qu'il pouvait déterminer si le nom qui lui avait été donné était un faux. Si la jeune femme assurait être un homme, elle n'aurait pas choisit un prénom féminin. Mais jusqu’ici, outre ses manières viriles et grossières, rien ne la qualifiait comme une menteuse. Après tout, rien n'interdisait à une dame de se comporter ainsi même s'il fallait avouer que c'était la première fois qu'il en voyait une aussi peu élancée. Ses vêtements cachaient sa véritable identité à la perfection. Mais plus il réfléchissait, plus il commençait à se dire que ceci n'avait rien d'un choix du cœur. Il avait déjà été témoin des mains calleuses des ouvrières, des paysannes et des musiciennes, ainsi que des postures parfois ingrates qu'elles avaient acquises à force de travailler de telle ou telle manière. Cependant, il n'y avait aucun doute sur le fait que celle qui se tenait devant lui n'avait pas l'air de vouloir qu'on sache qu'elle était une femme. Cela ne répondait pas du tout à la question qu'elle avait posée. Salem commençait à comprendre que ses questions pouvaient être malvenues, néanmoins comme le serpent curieux en quête d'une proie, il semblait enfin avoir trouvé un animal sur lequel poser son regard. Il n'était pas prêt de la laisser filer.

Il se redressa doucement, le dos droit contre le dossier de sa chaise avant de lentement, sortir ses gants de ses poches. Son geste était totalement léger et anodin. Il aimait les sortir longtemps avant de prendre son service de conduite afin que le tissu ne lui glisse pas des doigts contre le volant. Il mit un certain temps à les mettre aux mains, les yeux sans cesse levés sur son vis-à-vis. Il ignorait totalement comment poser la question autrement si ce n'était que de se montrer franc. Il doutait tout de même qu'elle accepte qu'il dise à voix haute qu'elle puisse être une femme si ses collègues n'étaient pas au courant. Personne n'était obligé de croire ce qu'il entendrait, mais il suffisait parfois d'insinuer une graine pour qu'une idée folle en pousse. Les gens entendaient sans cesse des choses anodines, mais ces choses-là changeaient leur manière de voir le monde. C'était ainsi que la publicité fonctionnait. Elle s’immisçait dans la routine de tous les jours. Une affiche d'un verre débordant donnait soif. Une de nourriture, donnait faim. Celle d'une voiture nous emplissait d'envie de voyage. C'était si nouveau que tout était excitant. Et qu'était une femme en plein milieu d'une armada de mineurs ? Une curiosité jusqu’ici enfermée. Pour eux qui avaient une routine tantôt physique et désagréable, rien ne valait mieux qu'un bon ragot sur son collègue présumé femme. Néanmoins, c'est pour toutes ces raisons que Salem tut la vérité, en quête d'une raison qu'il ne connaissait pas.

« C'est ce que je veux savoir., finit-il par répondre, sans aucune forme d'agressivité. »


Le bonhomme était tranquille, penaud. C'était un enfant dans un corps nonchalant et au regard intimidant. S'il avait conscience de mettre les individus mal à l'aise avec cette acharnement des yeux, il en profitait aisément pour obtenir les réponses à ses questions.

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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptySam 31 Mar - 22:57




Salem et Shaïr



Je surveillais désormais avec attention l’homme masqué, le fixant avec insistance. Pourquoi ? Parce qu’il avait contourné ma question, et qu’il semblait vouloir quelque chose de bien spécifique. C’était d’ailleurs cela, qui me gênait, outre le fait que j’étais une femme cachée dans un corps d’homme, j’étais surtout une personne morte aux yeux d’un pays tout entier, possédant de nombreuses information sur l’Empire Xinois, mais aussi sur la politique en elle-même, et je savais que je représentais un danger pour tous ceux qui cherchaient à me nuire d’une quelconque façon.

Du coin de l’œil, je sentis un mouvement, il avait tendu les jambes étrangement sous la table, tandis que dessus, se trouvait désormais ses coudes, se rapprochant. Les deux mains liées entre elles, elles-mêmes aplatit sur la table par son torse, comme s’il s’apprêtait à me faire une confidence des plus intrigantes, je le trouvais de plus en plus louche. Et ça ne manqua pas. Je restais cependant de marbre à ses questionnements étranges. Il parlait définitivement bizarrement, et je savais qu’aucun masque ne pouvait entraver la voix de telle manière que les sons en devenaient tous sifflants.

Mais je prenais conscience que l’homme en face de moi était possiblement un danger. Un déguisement disgracieux. C’était un terme lourd de sens, surtout pour quelqu’un conservant un masque même en désirant boire une bière. Il avait incliné son visage, et je le laissais parler, du moins pour l’instant. Il demandait si je dissimulais mon existence, si c’était un artifice, une fausseté destinée à blouser. Autant de termes dangereux pour sa survie que pour la mienne. Il se redressa, ne faisant cependant pas attention à ses jambes, et sortit des gants qu’il se mit à triturer bizarrement.

Ce Salem était donc une énigme assez particulière. Là, il se permettait d’enfiler lentement ses gants, comme si ce n’était rien de porter de telles accusations sur quelqu’un que l’on ne connait pas. À croire qu’il ne savait pas agir comme les humains. C’était peut-être le cas, après tout, il portait un masque en public et s’achetait une bière qu’il ne buvait pas. Du moins il n’en avait pour l’instant pas bu une goutte. Il disait que c’était là ce qu’il désirait savoir. Bah tiens. Oui, c’est vrai que savoir si la personne que l’on a en face de soi est bien ce qu’elle prétend être alors qu’on vient tout juste de la rencontrer… Ce n’est pas crédible.

Pourtant, ce n’était pas agressif. Sa voix l’était, et son regard aussi, mais le reste de son corps disait le contraire. Un marginal. Ma jambe gauche cachée par les siennes se glissa avec lenteur pour venir sous ses genoux et les remonter avant de les bloquer sèchement contre son assise, le tout, dans un silence parfait. Ainsi, je le maintenais en place, et il ne pourrait pas se relever. L’espace d’une seconde, je laissais mon regard reprendre ses habitudes, et mes yeux le fusillèrent avant de reprendre une apparence plus calme.

J’avançais ma main avec la chope sur la table, me rapprochant des siennes, et dévoilais ensuite la hanse de ma boisson, métallique, et surtout, tordue par mes doigts bien plus fort que ceux d’un mineur classique. Mes entrainements avaient toujours payé. J’étais bien plus forte que n’importe quel homme. J’étais une princesse, mais j’étais aussi chef des armées impériales nocturnes. Le scorpion de l’ombre, commandeur du silence et de la mort. Alors, d’une voix juste assez basse pour qu’il m’entende sans que les autres ne le puisse, je répondis à ses propos.

« Sachez que la découverte de mon sexe pourrait très bien vous faire perdre le vôtre… » Ma voix siffla autant que la sienne, moins grave, et plus féminine, avec une pointe d’accent que je refrénais naturellement. Je reprenais, sans pour autant le lâcher avec ma jambe. « Les gens comme moi ne peuvent vivre seuls et sans argents, ils ont besoin de ceux comme vous. Et à moins d’un miracle, il faut être comme vous pour obtenir un travail facilement… »

Je soupirais, m’écartant légèrement de la table sans pour autant lâcher ses jambes avec la mienne. Un geste déplaisant de sa part, et je pouvais le tirer sous la table, mettre sa tête à ce niveau et lui casser le nez avec le plat de ma main. « Comment l’avez-vous découvert ? » Ma voix avait repris ce timbre masculin, mais elle restait froide et acérée. Je n’aimais pas que des inconnus puisse soudainement avoir un quelconque pouvoir sur moi. « Parce que ma différence est définitivement moins visible que la vôtre. » Simple remarque pour remettre les choses à leurs places, et surtout, parce que je savais que mon déguisement était infaillible.



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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyLun 7 Mai - 16:45
Salem sourit. Elle ne prenait pas la peine de mentir et c’était appréciable. Elle comprenait qu'il savait. Malgré les menaces évidentes et celle qui retenait ses jambes, le jeune homme n'esquissait pas un geste plus haut que l'autre. Il avait sursauté quand il avait sentit l'étau qui se resserrait en dessous de la table, mais la surprise passée, Salem dénoua doucement ses doigts de sur la table. Il n'avait pas compris pourquoi la jeune femme stipulait qu'il fallait être comme lui pour obtenir un travail. Néanmoins la menace qui avait précédée confirmait qu'elle ne faisait pas cela par choix. Il aimait avoir raison, d'où le sourire qui ornait sa gigantesque bouche dissimulée sous le masque. Seuls ses yeux reflétaient son geste, imperturbables dans leur façon d'être acerbes.

« Ma dissemblance n'est en rien similaire à la vôtre. »

Il tendit l'index et poussa le verre de bière vers Shaïr d'un geste doux.

« Si elle me consigne à ne pas siroter une bière en votre présence, elle ne me séquestre pas dans l'ombre de ma personnalité. »


Il redressa son dos contre le dossier de sa chaise ;

« En ce qui concerne la façon dont je l'ai su, ceci n'est pas de votre ressort. »

Son sourire avait disparu et il papillonna rapidement des paupières, la voix d'avantage grave et faussement ténue.

« Ce ne sont rien de moins qu'autre chose que les pieds d'une chaise, mademoiselle. Puis-je reprendre mes jambes,s'il vous plaît ? »

Le jeune homme n'était pas dupe lorsqu’il s'agissait des menaces et de la préparation hâtive d'un combat. Elle l'avait fait exprès. Il joua la modeste carte de l'innocence non sans chuchoter le titre de civilité qui convenait à Shaïr. Néanmoins, sa façon impulsive d'en venir à la menace ne pouvait vouloir dire qu'une chose. Elle était soit dangereuse, soit recherchée. Soit même les deux. Salem avait pu entendre sa véritable voix, loin d'être comparative à celle qu'elle arborait jusque-là. Elle n'était pas native d'ici et son histoire semblait passionnante. Une femme qui se cache d'un mari jaloux, possessif et ivrogne ? Trop surfait. Salem n'avait pas appris à la connaître, cependant en quelques secondes, il reconnaissait ici une jeune femme qui n'était pas du genre à se laisser faire par un ivrogne. Les choses pouvaient aisément changer en quelques années, allons savoir...

Il haussa les épaules. Peu à peu, le sourire qui animait son regard disparut et rendit ses yeux d'avantage amer. Le jeune homme avait obtenu la réponse à sa question et continuer d'être curieux semblait être une mauvaise alternative à cette discussion. De cela, il le comprit très bien. Après tout, il n'avait jamais voulu se montrer agressif, mais la réaction « du mineur » démontrait que le concernant, il était on ne peut plus combatif.

Il baissa les yeux sur la choppe de bière, contemplatif des bulles qui remontaient à la surface, du verre qui se floutait sous le voile du liquide fraîchement versé à l'intérieur.

« Très bien, alors… désolé ? »

Il n'avait jamais voulu lui être hostile et sa curiosité première étant assouvie, il se freina subtilement. Il tendit sa main au-dessus de la table, levant son bras avec une lenteur à achever les morts. Il aurait voulu prononcer son prénom pour que ses excuses soient plus explicites, néanmoins il ne parvenait vraiment pas à le dire. De surcroît, ce n'était clairement pas son vrai nom.

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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyLun 14 Mai - 23:27




Salem et Shaïr



Une étrange lueur flotta dans le regard de mon vis-à-vis, lueur que j’interprétais comme de la satisfaction face à mes réponses, quand bien même je tenais les jambes de ce dernier en otage. Il avait sursauté, oui, mais rien de plus. Et sa façon de me répliquer que nos dissemblances n’étaient pas similaires me donnait bien plus d’information sur lui qu’il ne le voudrait surement. Un sursaut trop bref, comme l’inattendu qui vous guette, mais pas une surprise faisant écho à de l’inquiétude et du danger. Non, il était un habitué du danger qui rôde. Un combattant ? Je l’ignorais, je pouvais juste l’affirmer.

Et, alors qu’il repousse du doigt ma chope de bière vers moi, il annonce la couleur. Une sorte de réplique acerbe qui ne me fait pas hausser un sourcil. Lui ne peut boire en présence d’autrui, et pense que je me séquestre dans l’ombre de ma personne. Il est très loin de la réalité. Pourtant, il semble se redresser, avant de confirmer qu’il ne me dévoilera pas ses techniques. Je fronce les sourcils, c’est presque digne d’un espion, et maintenant, je doute quant au fait qu’il soit simplement venu chercher ma compagnie.

Il en sait trop, trop de bizarrerie pour une seule personne. Un masque sur le visage, des gants, des connaissances. Il pourrait être un assassin. À la remarque sur le fait que je ne tenais pas les pieds de ma chaise, mais ses jambes, dont il réclamait la liberté, je restais silencieuse et sans mouvement. Maintenant, j’y prêtais bien plus attention que tout à l’heure. Cet homme était louche, et le moindre tic ou acte maniéré devenait suspect. Il avait utilisé le terme mademoiselle comme si cela constituait une petite victoire, et c’était tout sauf plaisant.

Et le sourire dans ses yeux disparus, alors qu’il tentait des excuses après s’être perdu dans la contemplation de sa choppe. Puis, il tendit sa main très lentement, comme s’il était l’homme le plus épuisé du monde, par-dessus la table, comme pour signer un accord de non-agression entre nous. Je n’étais pas certaine de vouloir signer cet accord, pour ma part, je n’aimais pas qu’on puisse savoir quelque chose sur moi sans que je l’ai sciemment donné. On peut l’utiliser pour me faire tomber, et c’est fortement déplaisant.

Cependant, je n’étais pas assez impulsive pour déclencher une bagarre dans un bar. Pas ce soir, pas maintenant. Alors, à mon tour, j’ai tendu la main pour venir saisir la sienne. Je l’ai cependant serré plus que pour une simple poignée de main, et légèrement tirée vers moi pour amener mon interlocuteur au plus près et me lancer dans la confidence.

« J’accepte le pardon sous condition de votre silence. » Et sur ces paroles, je relâchais la pression sur sa main, et me reculais, déliant ensuite mes jambes autour des siennes pour le laisser respirer. En revanche, mon regard transperçait toujours le sien. Je n’aimais vraiment pas l’idée qu’il puisse divulguer mon sexe à mes camarades de travaux. Plus encore, je n’aimais pas l’idée qu’il puisse être sur ma piste, ou bien capable de deviner certaines choses à mon égard.

Récupérant les allures garçonnes, je me saisissais de ma choppe pour en boire une nouvelle lampée, finissant cette dernière, avant d’essuyer la moustache de mousse qu’elle avait créée sous mon nez d’un nouveau revers de manche. Un soupir de ma part, alors que je relève la tête vers lui, j’ai aussi repris le travail sur ma voix pour la rendre masculine, je ne peux pas prendre de risque, pas maintenant, alors que j’ai une nouvelle piste pour retrouver le meurtrier des Han.

« Et vot’ bière. Z’en faites quoi ? La buvez vraiment pas ? » Adieu l’accent soutenu, adieu la combattante hors pair, anciennement chef des armées de l’ombre de l’Empereur.

Je suis redevenue le simple mineur expatrié de chez lui, Shaïr. Cependant, cette conversation me dérange, à présent, et il me faut trouver un moyen d’y couper court. Les choses sont déjà bien trop compliquées pour que j’ajoute un mercenaire étrange sur ma trace ou un taré sanguinaire. Ce nom aura été le mien pendant douze ans, bien qu’à l’époque, il soit au féminin, et maintenant, je me devais l’employer pendant que je me cachais, alors qu’il aurait dû continuer de faire la fierté des Khan.

Il n’y a pas à dire, mon géniteur a détruit l’honneur de nos ancêtres en prenant le pouvoir de l’empire. Nous aurions dû faire comme avec les autres. Combattre ceux qui nous ont torturé et les laisser se démerder ensuite pour remettre de l’ordre dans leurs affaires, une fois le chef de leur clan tombé sous nos épées. Nous l’avions toujours fait, jusqu’à la prise de la dynastie Song. Et là, tout avait changé. On avait même tenté de me convertir au rôle d’une petite princesse délicate… Mais au fond de moi, je restais une combattante née. J’étais toujours Shaïra Khan, le scorpion du désert.



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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyDim 20 Mai - 10:47
La jeune femme délia ses jambes des siennes et Salem se laissa porter par les gestes de sa vis-à-vis, alors qu'elle s'était emparée de sa main pour accepter de mettre un terme à cette querelle naissante. Son silence n'avait jamais été aussi précieux et Salem doutait fortement qu'ils en restent là. Tout dépendait à quel point le mineur souhaitait garder son secret. Le jeune homme se promit de garder des yeux derrière la tête. Il allait en avoir besoin.

Il observait la garçonne reprendre ses allures masculines, un sourire aux lèvres. Dans quoi s'embarquait-il ? Quand Shaïr lui demanda s'il ne buvait pas sa bière, il l'avança vers lui.

« Je vous l'offre. Une bière, ça ne se refuse pas. »

Les deux mains à plat contre la table, il releva son long corps, dissimulé sous son épais manteau. Il réajusta son col de fourrure avant d'esquisser un geste de la tête :

« Le devoir m'appelle. »

Et quel devoir ! Il fit tourner le porte-clé en anneau autour de son doigt avant de ficher les clés de sa voiture dans la paume de sa main. Il avait hâte de retrouver le superbe volant de sa citadine de luxe. Le garçon orphelin et privé de liberté qu'il avait été, avait acquis son permis de conduire avec une facilité déconcertante. Dès que Salem avait posé son pied sur un accélérateur, il avait tout de suite compris qu'il voulait conduire chaque jour qu'il lui était donné de le faire. Il se sentait déchaîné derrière le volant. La vitesse que pouvait atteindre certains de ces bolides était impressionnante ! Le jeune homme n'avait pas que de petits rêves et le modèle qu'il avait acheté était tout bonnement l'un des plus performants.

D'un geste vif et prompt, il s'empara fermement de la main du mineur pour la serrer dans la sienne :

« Ce fut un plaisir, monsieur. Si vous avez besoin d'un taxi, n'hésitez pas. »

Il lui tendit sa carte. Contrairement à la jeune femme qui faisait semblant d'être indélicate, avec un vocabulaire aussi efficace que celui d'un enfant de six ans, Salem, quant à lui, prenait l'apparence d'un homme courtois et faible. Ils jouaient tous deux à un jeu très sérieux. Il était curieux de découvrir si elle allait parvenir à ses fins. Chaque histoire avait le mérite de lui porter intérêt et il trouvait cela fascinant. Cela l'aidait à se souvenir qu'il n'était pas le seul à vivre des atrocités. Quelque chose au fond des yeux du mineur lui faisait penser que c'était le cas.

« Quand vous aurez accompli votre fin, pourrez-vous trouver le temps de la raconter ? »

Bonnes ou mauvaises, Salem était fervent des histoires terminées. La sienne était une page blanche depuis que Cassydia ne faisait plus partie de sa vie. Une page blanche extrêmement rouge.

Il fit volte-face et après avoir laisser un pourboire suffisant au barman, il trouva la sortie comme chaque soir. Une mercedes 28/95 l'attendait, garée sur le trottoir. Un modèle qui pouvait atteindre les 140 km/h. Il allait sans dire qu'en ville, cette vitesse n'était pas envisageable. Il se souvenait très distinctement de la fois où, petit garçon, il avait fuit la ville et s'était retrouvé acculé entre les deux yeux d'une voiture. A présent, il se retrouvait de l'autre côté du volant et cette sensation n'avait jamais été aussi sécuritaire.

Il était une histoire parmi tant d'autres. Il baladait les secrets d'un point à un autre tout en traînant ses souvenirs comme des livres inachevés. Mais chaque rencontre qu'il faisait l'enrichissait. Une femme qui se déguisait en homme ? Cette rencontre était curieuse, mais passionnante !
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MessageSujet: Re: Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) Une bière, ça ne se refuse pas (PV Salem) EmptyMar 29 Mai - 21:43




Salem et Shaïr



La situation semblait se délier d’elle-même. Je n’allais pas m’en plaindre surtout. Mais c’était parfois agréable de ne pas avoir à combattre pour sa survie et son identité menacée. La bière qui n’avait pas été touchée, probablement parce que ce Salem couvrait son visage et ne voulait vraiment pas le dévoiler en public me fut offerte. C’était surprenant. Il l’avait poussé du dos de sa main vers moi, avant de sourire et de se lever en posant le plat de ses mains sur la table légèrement bancale, me forçant sans le savoir à appuyer sur les pieds pour éviter que cela ne soit dangereux pour la chope encore pleine.

Une bière, ça ne se refuse pas… Ouais… Tout dépendait de ce qu’il y avait dedans. L’homme réajusta le col de fourrure de son manteau, et esquissa un geste de la tête vers moi avant d’annoncer que le devoir l’appelait. Je clignais à peine des yeux, le saluant d’un geste bourrin de la main tandis qu’il jouait avec des clefs autour de son doigt. Probablement un de ces conducteurs d’autos bien rapide et dangereuse. Sans compter l’odeur de cette machine. Je n’aimais pas du tout ça. Rien de plus naturel que le cheval. J’acceptais le train, pour les distances qu’il était capable de parcourir, distance qui tuerait mon cheval si je tentais de les faire ainsi. Mais le reste, non.

Et puis, subitement, il s’empara de ma main d’un geste sec, et la serra fermement, comme pour assurer tout le monde autour de nos identités de mâles respectives. Il disait que c’était un plaisir, parachevant avec un monsieur bien distinct, et clamant que si besoin d’un taxi, je ne devais pas hésiter… Il semblait oublier plusieurs choses. Je jouais le rôle d’un mineur. Et à part aller à la mine puis au bar, l’argent ne pouvait pas servir à se payer un taxi, même manger était parfois compliqué. Je le savais, certains de mes collègues ne pouvaient même pas espérer manger, et payer seulement un bout de lard pour leurs enfants.

Il tendit alors une petite carte sur laquelle était inscrit son nom et sa fonction ainsi qu’un endroit où je pourrais le joindre. Oui… C’est bien, mais ça ne collait toujours pas. Je ne disais cependant rien, et c’est avec un haussement de sourcil discret que je le fixais brusquement à sa question à la fois déplacée et complètement sortie de nulle part. Accomplir ma fin, et la lui raconter. Intérieurement, ça m’a fait sourire. Ecrire la fin de mon histoire… Oh oui, compte là-dessus. Mais je ne la raconterai pas moi-même. Non. Il n’y aura pas besoin. L’actualité du monde s’en chargera pour moi. Quand l’Empire tombera, je ne serais pas là pour le raconter à qui que ce soit. Je serais sur place, pour détruire chaque pierre souillée par la décadence de l’ordure qui me sert de géniteur.

Du coin de l’œil, je pouvais apercevoir Salem se diriger vers le comptoir et donner un pourboire assez conséquent au barman avant de quitter le bar. Et je pus entendre le vrombissement d’un moteur d’automobile écraser les conversations alentours avant que le son de s’éloigne et finisse par disparaitre totalement. D’un soupir, je reprenais mon quotidien, et achevais ma propre consommation avant de lancer un regard vers celle offerte par l’homme masqué. Mon premier réflexe fut de la sentir pour vérifier qu’il n’avait rien glissé dedans. Je faisais tourner un peu le contenu de la chope pour vérifier les résidus sur le verre, et puis, constatant qu’il n’y avait aucun problème, je l’ai bu aussi.

Ce n’est que plus tard dans la soirée, qu’un homme parla d’un étrange xinois médecin disparu de la capitale et dont la description correspondait à fortiori à l’homme que je cherchais depuis mon départ de Xing. Finalement, la soirée n’était pas totalement perdue.

Et l’avenir non plus…




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