Il y a une semaine, tu as reçu cette lettre t’avisant que tu servirait désormais le QG Est. Tu ne savais pas comment réagir sur le coup, mais tu ne pouvais pas aller contre la volonté de tes supérieurs, n’est-ce pas? L’air glacial de Central ne te manque pas , surtout en Décembre. Tu as exceptionnellement obtenu ton congé d'hôpital plus prématurément que prévu, mais tu as des papiers militaires pour attester ton passez-droit. Tu as ces cicatrices encores fraîches qui resteront sur ton visage de manière permanente, mais au point ou tu en est, elles ne te dérangent plus. Tu ne répéteras pas ton erreur de novembre. Ta mâchoire est bien immobilisée, mais tes bandages se fondent bien sous tes cheveux blancs. Lorsque tu t'exprimes de vive voix, ce ne sont que des paroles floues qui sortent. C’est pour cela que tu tiens fermement ce calepin de notes de ta main droite. Cette main qui ne peut que plier le bout des doigts sous peine de te torturer, tu y fait particulièrement attention.

Tu es arrivé à la gare au lever du soleil, mais tu t'es perdu entre les dédales de cette ville dans laquelle tu n’a pas réellement mis pied en temps de paix. En fait, plus précisément, tu as perdu ton jumeau qui s'est perdu dans la ville. Il devait te guider jusqu’au quartier général, mais tu l’a perdu de vue. Il te surveille depuis vos retrouvailles. Tu l’a cru mort par ta faute et tu te sentais si coupable que tu en avait négligé ta propre santé. Tu étais vraiment un imbécile fini, n’est-ce pas? Toi, le reflet brisé et déformé de ton frère, tu en avais perdu jusqu’à la faculté même d'exprimer tes sentiments. Tu peine encore à les extérioriser, tu en es presque un mur de marbre face aux gens. Tu es presque effacé, même si tu peine à te fondre dans cet environnement. Es-tu résigné ou tout simplement incapable de te manifester plus? Tu ne saurais pas vraiment obtenir une réponse à cette question et ce n'est pas Aiden qui t'aideras sur ce coup.

Les rues te semblaient toutes pareilles, et pourtant, tu ne pouvais t’empêcher de t’arrêter pour admirer les fleurs en pot. Même dans un endroit aussi chaud, elles cherchent à survivre. Elles ne sont pas si différentes de toi, dans le fond. Tu es Adalwen, une plante solitaire qui cherche à t’élever au-dessus du désert de cette réputation qui te colle à la peau. Tu peux à peine parler, mais tu garde ta tête haute. Tu ne voudrais pas faire honte à tes futurs camarades de travail. manifestement, dans cette ville les gens ne te perçoivent pas comme un monstre. Ils ne te regardent pas du tout en fait. Tu porte ton uniforme le plus intact, même s’il s'agit de celui avec la manche poisseuse de sang. Tu évite de la regarder parce que tu ne veux pas penser à ta pire phobie. Tu sais que ta peur du sang sur toi est irrationnelle, mais tu ne peux pas lutter contre elle.

Tu regarde ta montre et il est 8h 25. Tu relève les yeux et tu remarque que tu y est arrivé. Devant toi se trouve ton nouvel endroit ou tu travailleras. Tu replace ton col et ton sac, puis tu fais un pas dans l’enceinte. Tu trébuches au sol sous le regard de la réceptionniste qui glousse de rire. Tu sens la gêne monter, tandis que tu te relève prestement. Tu ne veux pas faire mauvaise impression, alors tu t’inclines poliment face à cette demoiselle qui rougit à ta grande surprise. Tu reste immobile quelques secondes, tu ne sais pas comment réagir face à cela, alors tu te redresse formellement. Tes cheveux blancs sont en bataille, alors tu les replace prestement. Que ne ferait-tu pas pour ne pas mal paraître face à tes futurs supérieurs?

Puis, tu la voit arriver d’un coup, cette femme mure au regard autoritaire. Elle a des taches de rousseurs et une cicatrice lui traversant l’arête du nez. Il ne t’en faut pas plus pour savoir qu’elle est l’une des têtes hautes de ce quartier général. Son pas est rapide et assuré: elle semble habituée de mener et s’y complaît. Son expression est extrêmement sérieuse, elle lui rappelle la sienne depuis sa seconde fracture de mâchoire. Son regard semble le toiser , mais tu le soutiens de ton oeil afin de montrer ta détermination silencieuse. Tu sais qu’elle doit t’estimer bien faible avec ton état, mais tu es prêt à lui prouver ta valeur.

“Monsieur Nito! Je suis le Colonel Czelesa, vous me suivez s'il vous plait?”

Elle ne te laisse pas le temps de noter une réponse qu'elle repart vers son bureau et tu la suit calmement. Tes pas sont irréguliers, un tantinet saccadés. Tu es encore faible, mais tu peux rédiger de la paperasse de ta main gauche. L’ambiance est beaucoup plus sévère que celle de South City et cela t’intimide un peu. Tu la suit tout en attardant ton regard de gauche à droite. Ces gens sont tous si sévères: tu te demande comment ton frère peut survivre au sein de ce quartier général. La femme Colonel s’assied finalement à son bureau. Il entre à son tour, puis va s'asseoir sur une chaise. Son souffle est légèrement fuyant. Deux semaines passées cloîtré dans une chambre ne t’a pas fait du bien. Tu sors ton calepin et le lui tend en craignant que ton écriture ne lui convient pas.

‘’Je suis enchanté de faire votre connaissance, Colonel. Veuillez me pardonner ma piètre plume et mon incapacité actuelle de vous répondre de vive voix. Je suis encore convalescent, mais je me suis suffisamment rétabli pour pouvoir travailler. Je suis l’Alchimiste Greentomb et je ferai mon possible pour ne pas vous déshonorer, Colonel. ‘’

Tu attend sa réaction avec une certaine crainte dissimulée sous ton visage inexpressif. Une mèche rebelle retombe sur ton oeil gauche, mais tu ne l’écarte pas. Tu t,empares également d'une tasse de thé que tu bois doucement de ta main blessée qui tremble légèrement, le seul mouvement de ton corps.

Et voilà comment tu réalises qu’elle te trouve pathétique avec tes bandages. Tu ne lui diras pas pour le bras droit fracturé, cela ne ferait qu’enfoncer le clou de ta crédulité. Le thé que tu sirote en tremblant légèrement est brulant, mais tu ne laisses pas paraitre la douleur, tandis que tu la vois feuilleter ton dossier. Ne l’aurait-elle pas lu par hasard? Non, ce ne devais être que pour se rappeler de certains détails cruciaux de ton dossier.

La femme relève la tête et lis ton carton avec un air que tu qualifierais de mécontent. Parce que tu es l’alchimiste le plus décevant, sans aucun doute. Toi-même, tu n’aurais pas voulu travailler avec un alchimiste en pièces détachées qui peine à se défendre seul. Sans doute te collera-t-elle dans la rédaction de paperasses. Elle s’efforce ensuite de te sourire d’un sourire chaleureux qui te semble extrêmement formel.

“Ce n'est pas un problème Monsieur Nito, ne vous mettez pas autant de pression ”

L’expérience lui a appris que lorsqu’un supérieur s’exprime ainsi c’est qu’il ne veut absolument pas être déçu et que tu n’es qu’un pion remplaçable. Tu lui montreras ta valeur en temps et lieux et elle sera fière de toi. Ou du moins, tu l’espères fermement. Tu dois absolument avoir de l’argent pour t’occuper de ton fils.

“Je vais vous expliquer comment ça marche ici, et ce que j'attends de vous. Si vous avez une question arrêtez moi et... et eh bien, écrivez”

Elle boit du thé et s’empare d’un sachet de thé, tout en joignant les mains. Tu ne veux pas l’interrompre, tu es conscient qu’elle te fera un briefing dans les normes de l’art.

“Donc. Au cas où on ne vous aurait pas briefé, je suis le colonel Anita Czelesa, on se prendra la tête avec l'orthographe plus tard. Je suis Alchimiste d'état, moi aussi. Je ne sais pas comment vous appeliez votre supérieur à South City mais je n'apprécierais (se retenant de dire “tolèrerait”) rien d'autre que Colonel ou Madame. Ce qui sera aussi le cas pour moi, je ne me permetterait pas de vous appeler par votre prénom, question de respect. Pour ce qui est des tâches que je vous confierait -elle souffle, n'ayant pas pris en compte la possibilité qu'il soit atrophié- je vous ferait faire de la paperasse pour l'instant. J'ai conscience que ce n'est pas le plus drôle mais bon, vu votre situation ça va être compliqué de faire autre chose avant que vous ne soyez vraiment remis sur pieds, on avisera ensuite mais dans la mesure où vous êtes Alchimiste vous ne resterez certainement pas à gratter du papier toute la journée, je vous rassure.”

Et tu avais raison, mon pauvre Adalwen, tu vas gratter de la paperasse de ta main gauche pour un long moment. Elle te considère d’ores et déjà comme un boulet, même si elle ne veut pas le laisser paraître. Tu as remarqué ses vifs mouvements de bras en s’exprimant. Tu aimes les gens qui souligne bien leurs, l’exact contraire de toi n’est-ce pas? Ton Colocataire à Central ne manquait pas de te le rappeler avec ses sourires de gentilhomme. Comment tu étais indéchiffrable et trop sérieux dans ce que tu faisais. Mais tu ne peux pas t’en empêcher, Adalwen. Tu es devenu ainsi, même si ton frère a apaisé un poids sur ta conscience.

Un bruit bien sonore se fait entendre tandis qu’elle pose sa main gantée sur son bureau. Naturellement, ton regard divague vers celui-ci. C’est une preuve d’impolitesse flagrante, mais tu n’as pas pu t’en empêcher cette fois ci.

‘’Au cas où on ne vous aurait pas briefé sur ça non plus... Je n'ai plus qu'un bras.”

Son automail était de belle facture, et cela le surpris. Le modèle qui remplaçait sa jambe était une vieille ruine comparée à ce modèle. Mais rien ne parut sur son visage tandis qu’elle le sondait. Devait-elle penser qu’il était complètement antipathique, mais ce n’était pas forcément le cas.

“J'ai appris à faire avec, et avec les questions aussi. N'abusez donc pas.”

Elle était donc une femme qui détestait les questions, c’était bon à savoir et tu te le nota mentalement. Ta supérieure était réellement un glacier imperturbable et elle se montrait à la hauteur de sa réputation. Tu ne serais pas jugé pour ta faiblesse mentale, puisque rien ne transparaissait de ton visage livide.

Le Colonel Czelesa , se leva avant de refermer la fenêtre. Il était vrai qu’un froid s’était installé soudainement entre vous. Étais-ce a cause du monologue de ta supérieure ou du vent frais, tu en était incertain, mais tu te tiendrait à carreaux. Qui sait ce qu’elle te ferait si par malheur tu te retrouvait plus blessé que tu ne l’était actuellement. Elle s’assied à nouveau face à toi et s’exprime à nouveau d’une voix moins glaciale
“Est ce que vous avez bien trouvé un logement, tout ça? Vous avez de la famille ici?”

Tu notes une réponse claire et concise pour ta supérieure avant de la lui tendre.

‘’ Étant donné que je viens d’arriver au sein de cette ville, je n’ai pas d’endroit pour loger. Mes effets personnels sont encore à Central, puisque j’ai jugé mieux de me présenter avant de transférer mon laboratoire. Par contre, mon grand frère, l’alchimiste Grasschopper, est affecté dans ce quartier général. De ce qu’il m’a dit il n’était pas du tout dans vos faveurs, après avoir refusé d’obéir à des ordres. C’est lui qui m’a donné ma lettre de transfert, alors que j’étais en congé forcé. Par contre, Colonel, il devait venir avec moi, mais nos nous sommes séparés. J’ignore où il est à l’heure actuelle.’’

Tu n’aurais pas du aller aussi loin dans la description de ton jumeau. Quoi qu’avec tes blessures et tes cheveux blancs, tu contraste maintenant avec ton blondinet de frère au regard hautain et méprisant. Puis vous avez tous les deux le même nom de famille et des alchimies semblables, bien que la tienne soit plus raffinée que la sienne. Tu attend maintenant son prochain jugement, bien alerte.