Umbra Mortiss - Life'n death


             J'ai froid... L'impression de flotter me vient alors que j'ouvre les yeux petit à petit. Une lumière aveuglante m'oblige à les protéger d'une main, mais je m'aperçois que cette dernière laisse passer la lumière. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ? J'ai l'impression de disparaître... Je me retourne pour avoir la lumière dans mon dos et je le vois. Je le vois lui, mon meilleur ennemi. Il est aussi le meilleur allié de combat que j'ai pu avoir, Shiranui Kyo. Il parle avec... Avec moi ? Je commence alors à comprendre, le puzzle se forme dans ma tête et le flottement m'éloigne de Shiranui et de mon corps dès cet instant. Je ne veux pas ! Je ne veux pas mourir, pas maintenant ! J'ai fait une promesse, je ne peux l'entâcher, et ce même par ma mort. Mon honneur est en jeu et comme tout japonais, je ne supporterais pas le déshonneur, cela reviendrait à mourir. Mourir encore... Tout comme à l'instant si ce n'est déjà le cas. Je me débas, comme retenu par la lumière, comme si ses rayons éblouissants étaient faits de matière. Moi-même je perds de plus en plus de matière à mesure que je m'éloigne de mon corps encore présent, ancré sur terre. Je l'appelle de toutes mes forces, mais Shiranui ne semble pas m'entendre, il allonge mon corps, à l'origine assis dos à l'arbre qui nous protège de son feuillage, et ma tête repose à présent sur ses genoux.


              Tout en me débattant, je vois défiler autour de moi ce qui m'a amené à cet endroit glacial nimbé de lumière blanche. Je les vois... Ces immondes choses à cause desquelles mon trépas a eu lieu. Les Rasetsus... Leurs visages aux yeux rouges ricanant comme des démons. Nous nous sommes battus contre ce bataillon d'êtres infâmes, Shiranui m'a aidé. Voilà la raison de sa présence à mes côtés. Deux, seuls contre tous... Ils ne sont qu'une pâle copie de leurs modèles, les Onis, mais ils sont beaucoup plus effrayants. Shiranui est un véritable Oni et si au départ l'évocation même du nom me faisait frissonner, ça n'est plus le cas. Leur force est effrayante, mais j'ai toujours tenu tête à mon confrère combattant malgré sa suprématie en terme de capacités. Nous les humains, ne sommes pas aussi insignifiants qu'on ne veut nous faire croire. Nous ne sommes que de la chair à canon pour ceux qui nous gouvernent et nous donnent des ordres, mais nous valons mieux que ça. Après avoir décimé le bataillon, ce fut au tour de leur maître et créateur, Yukimura Kodo. Shiranui n'avait plus de balles en argent, seul moyen d'annuler leur capacité de régénération accélérée, bien qu'un coup de katana bien porté aux organes vitaux pouvait les tuer. Le cœur reste le meilleur. Personne ne se relève une fois le cœur embroché. C'est en lançant ma lance dans l'épaule de notre dernier agresseur que je nous ai sauvé de la bombe qu'il tenait en main. Plus ou moins... Vu mon état... Je me vidais de mon sang, touché au flanc droit. Ce qui explique ma sensation de froid, j'ai dû emporter cette dernière avec moi, dernière sensation que j'ai pu ressentir avec mon corps et mon esprit réunis. Mais pas seulement, je ne le comprends que maintenant...


              Je flotte toujours, la lumière m'éloignant de plus en plus de Shiranui. Je le vois pleurer tout à-coup de là où je suis. Je sens mon cœur, déjà mort, se briser comme du verre en moi, car oui, je ressemble à du verre, disparaissant lentement, aspiré par la lumière. Je vois la distance parcourue... Un tunnel blanc vers l'obscurité de la nuit étoilée et sanglante que j'ai quitté trop tôt, bien trop tôt. Je continue de l'appeler, mais il ne m'entend toujours pas. Je ne veux pas accepter ma mort, lui non plus. Je le vois me secouer, taper sur mon torse de désespoir comme s'il pouvait me faire revenir... Je veux revenir ! Si cela le permet alors qu'il continue. Mon cœur continue de se briser devant la force de sa colère face à mon corps inerte qui ne répond pas à ses coups. Et pourtant... Pourtant, cela semble fonctionner. L'étreinte de la lumière sur moi diminue d'intensité, me laissant gagner un peu de terrain dans le tunnel qui s'ouvre devant moi. Je veux forcer le destin qui me sépare. Toujours dans le vide, je l'exhortais à continuer de me frapper de toutes ses forces pour me faire revenir à moi et que mon esprit rejoigne mon corps. À force, quelque chose tombe de ma veste sous les assauts de Shiranui, au-dessus de moi, à califourchon, pour plus de précision quand il frappe. La fiole d'Ochimizu que mes supérieurs, amis et frères d'armes m'ont donné il y a longtemps de cela. Je l'ai toujours gardée sur moi en me disant que je ne l'utiliserais probablement jamais. Elle peut guérir les blessures mais pas ressusciter... Mon corps ne sera jamais assez chaud pour permettre cet acte contre nature, mais qui ne tente rien à rien. Shiranui l'a ramassée, l'observant à présent, remplie d'un liquide rouge rosé.


              Mais que fait-il ? Je ne comprends pas... Il vient de se mordre le poignet tandis qu'il ouvre la fiole de son autre main et laisse à présent perler des gouttes de son sang dans le liquide. Les deux liquides se mêlent sans qu'il n'ait quoi que ce soit à faire. Shiranui change alors de place pour me redresser et tenter de me faire boire le contenu de la petite fiole. Dans mon corps, je ne sais pas, mais le moi translucide sens le changement. Probablement grâce au sang de Shiranui, je retrouve peu à peu de la couleur et continue de forcer la lumière à me libérer de ses entraves pour rejoindre mon sauveur. Je hurle dans mon effort, étant presque au bout du tunnel. À nous deux, nous allons vaincre la mort, lui parce qu'il est immortel et moi parce qu'il m'a transmis un peu de son immortalité. C'est un combat de titans entre moi et cette lumière aveuglante. Un à un, mes membres se libèrent de son emprise. Je sens à mes côtés les morts me pousser vers la sortie, mes frères d'armes ne voulant pas que je les rejoigne de si tôt. Un dernier regard derrière moi, leur sourire sera l'image que j'emporte avec moi dans la vraie vie, le souvenir de ce combat. Et la lumière se fissure puis explose, le tunnel avec, tel du verre tombant en miettes. Je suis libre maintenant. Et sur le sol macabre, jonché de cadavres et de sang, je réintègre mon corps, enlacé par Shiranui.


              Je tousse et tente de reprendre mon souffle. Toutes les sensations pesantes du combat céleste que je viens de vivre me tombent dessus telles le poids d'un fardeau sur les épaules. Je n'aurais jamais cru que mourir puisse être aussi éprouvant. Mes blessures ont disparu, je n'ai plus mal nul part, par contre j'ai soif, terriblement soif, ma gorge me brûle. Je crois que c'est l'effet de l'Ochimizu. Shiranui me sommes de le regarder et de me calmer, de laisser passer la douleur. Son front est contre le mien, je sens son souffle et me cale dessus pour respirer lentement. Mon regard ambre dorée glisse du sien améthyste vers ses lèvres, du sang coule encore depuis qu'il s'est mordu. J'ai trop soif, et d'un mouvement de tête je viens lécher le sang, remontant jusqu'à sa lèvre inférieure. Je ne me reconnais pas, c'est comme si la soif me poussait vers lui. J'ai soif de lui, c'est une envie irrépressible et après lui avoir mordillé la lèvre, je joins mes lèvres aux siennes pour un baiser brûlant qui a le goût du fer et de la poudre. Qui l'aurait cru ? Mon meilleur ennemi est aussi mon meilleur amant. Je sens ses mains me pousser avec force et m'accompagner dans une courte chute pour m'allonger tandis que des miennes je défais les sangles de cuir qu'il a dans le dos pour lui retirer son haut. Il s'écarte de moi pour me surplomber et fait sauter d'un geste expert et sauvage les boutons de mon gilet puis ceux de ma chemise. Il finit par faire glisser le tout le long de mes épaules et de mes bras et je profite de me redresser pour venir le lécher du creux de la clavicule jusqu'au haut du cou. Il laisse échapper un soupir, attisant mon désir.


              C'est un rêve bien réel, dont je ne veux pas être libéré. Bientôt, les ceintures volent, rejoignant le reste de nos habits déjà ôtés et nos pantalons respectifs glissent doucement pour libérer nos virilités tumescentes. Nus l'un contre l'autre, nous roulons jusqu'à atteindre un coin d'herbe. C'est à se battre à qui dominera l'autre et bien que je le chevauche, je ne suis pas en position de force... Il s'assoit à demi et deux de ses fins doigts me pénètrent déjà. Je me cambre en me tenant à ses épaules que je griffe tout mon saoule, ma tête penche en arrière, libérant des râles de plaisirs alors qu'il va-et-vient à sa convenance. J'en veux plus et le lui susurre à l'oreille. Je le guide et alors qu'il se rallonge et le prend en moi, m'empalant sur son arme chargée à blanc. Ses mains sur mes hanches me cantonnent à ce qu'il veut. Je l'entends gémir et soupirer entre mes propres exaltations. Il se redresse et prend en main mon membre gonflé de plaisir et prêt à exploser. Sa main m'empêche de me concentrer et de me retenir... L'extase atteinte, nous jouissons ensembles, d'un cri guttural, rauque. Je le sens se déverser en moi et me déverse sur lui, arrosant son torse et son ventre. Je le libérais alors et m'allongeais à moitié sur lui ruisselant et haletant. À la faveur du jour qui pointait, nous scellions notre aventure d'un baiser passionné.