Parfois, il est étonnant de constater à quel point la psychologie et le caractère d’une personne peuvent être diversifié. En un seul être, nous pouvons observer un dégradé allant du tendre au brut, en passant par le vil ou l’attentionné. Chez certains, l’étendue n’est pas très vaste. Mais chez d’autres, elle traverse une multitude de facettes, plus ou moins perceptibles.

C’est le cas d’Abigail. Dès le premier abord, vous remarquerez une personne renfermée et froide. Quelques peu associable, elle a développé une attitude pouvant s’apparenter à celle d’une misanthrope, mais elle a tout simplement décidé d’être distante avec les autres. Naturellement secrète, son regard impose un caractère des plus austères… En effet, c’est une jeune femme un tantinet pessimiste, analysant sans cesse de manière négative toutes les situations. Etant légèrement matérialiste, elle peut se montrer avare et très possessive à l’égard d’un être ou objet qu’elle affectionne tout particulièrement. Mais s’il fallait retenir une chose, c’est la paresse qui régit bien souvent son quotidien. Ce n’est pas pour autant que cette jeune femme est bourrée de défauts. Passionnée et passionnante, un brin excentrique, elle saura se montrer attentionnée, si et uniquement si vous en valez la peine à ses yeux. Vive d’esprit et logique, c’est une jeune femme cultivée qui ne manque pas de lucidité. Courage et ambition font également partie de son quotidien. Abigail est une battante, et elle saura vous le montrer…

Mais si vous faites sa connaissance dans un contexte professionnelle, c’est une jeune femme bien différente qui s’offrira à vous. Compétente et douée dans son domaine d’activité, elle se montre efficace, ordonnée et avisée. Sachant se montrer vigilante et discrète, sans manquer d’être observatrice et attentive, cela fait d’elle une personne très méfiante. Loyale auprès de ceux pour qui elle œuvre, elle se fait digne, parfois même hautaine. Pour arriver à ses fins, elle n’hésitera pas un instant à agir telle une charmeuse, alliant provocation et mystère. Mais tout cela n’est qu’une façade. En effet, notre panthère allie tous les vices en elle. Sombre, persécutrice, stricte, impulsive, colérique, forte tête, jalouse, entêtée, rebelle, agressive, aigrie et bagarreuse.

Ne vous y trompez pas, cette jeune femme n’est qu’un masque. Et elle sait en jouer à merveille…

Regardez donc cette silhouette s’éloigner au loin… De taille et de corpulence moyenne, ces formes généreuses déambulent dans les rues. Un corps à la fois svelte, agile et musclé. Du moins, suffisamment pour être capable de lutter et de se défendre sans demander l’aide de qui que ce soit. Cette jeune femme à la peau mate pourrait en faire tomber plus d’un…

Une longue chevelure fuchsia aux reflets violets qui ondule au rythme de ses pas, et quelques mèches venant dissimuler ce si beau regard. Des yeux en amandes, de longs cils et un rouge brulant, flamboyant. Son petit nez est malicieux, et ses lèvres sont charnues. Ce visage, si féminin et si félin, inspire mystère et passion…

De nombreuses cicatrices marquent sa peau, ainsi que de nombreux tatouages. Petits, remplis de signification, ce sont des phrases ou des symboles. A vous de les découvrir. Vêtue de tenues légères et féminines, arborant des talons, Abigail emmène souvent avec elle un sac, qu’elle porte en bandoulière. Elle y dissimule ses armes à feu, essentielle pour gagner sa vie.

Mais Abigail n’en a pas nécessairement besoin. En effet, son alliance avec une panthère fait d’elle quelqu’un de très agile. Des griffes peuvent s’extraire de ses phalanges, évitant ainsi d’emmener toute arme avec elle.

Si cette femme peut vous paraître, au premier regard, bien ordinaire, vous constaterez vite qu’elle n’a rien de banal…

Ishbal, à l’est d’Amestris. Region aride peuplée d’une unique ethnie, qui se démarque par leur peau mate et leurs regards d’un rouge flamboyant. Ce peuple s’adonnait au culte d’une divinité, dénommée Ishbala, qui leur imposait des règles, à la fois très strictes mais se mariant à merveille avec l’environnement inhospitalier qui les accueillait. Ishbal faisait partie intégrante d’Amestris, sans pour autant s’intégrer socialement. Peut-être était-ce le résultat d’un désaccord basé sur la religion mais surtout l’alchimie. Alors que les Amestriens consacraient une part importante de leur développement à l’alchimie, ignorant la religion, c’était exactement l’opposé chez le peuple Ishbal, persuadés que leur dieu verrait cette pratique comme un blasphème. Et c’est sur ces terres que naquirent et se rencontrèrent Yoshiro et Hanayo. Yoshiro, grand homme à la musculature développée et au physique ravageur, s’adonnait aux travaux physiques et aidait son père à bâtir des habitations. Son allure élancée et sa force faisaient de lui le tombeur de ses dames. Hanayo,  jeune fille frêle aux grands yeux innocents, consacrait sa vie aux études, notamment la littérature et l’écriture de nombreux poèmes. Son charme enfantin en envouta plus d’un. Alors que Yoshiro et Hanayo étaient âgés respectivement de 27 et 24 ans, ils décidèrent de se marier. En effet, se connaissant depuis leur plus tendre enfance, ils n’avaient cessé d’avoir d’yeux que pour l’autre, bien qu’ayant emprunté des chemins différents. Devenu un couple modèle, alliant force et douceur, beauté et intellect,  un bébé vint combler leur belle histoire. Cet enfant, ce n’est autre que moi…

Dans la nuit du 19 au 20 octobre de l’an 1891, alors que les cloches sonnaient leurs douze coups, je poussais mon premier cri dans la maison familiale. Enfant en parfaite santé, je fis la joie de mes parents, n’espérant plus ce miracle. Je ne saurais vous décrire avec exactitude les premiers instants, ni les premiers mois de mon existence. Mais j’imagine, avec tout ce que l’on a pu me dire, que tout s’est déroulé avec brio. Ces premiers mois, comme ceux de chaque enfant, forgent le caractère et la personnalité. Ce sont eux qui établissent les bases d’une vie, des différents chemins qui se dresseront face à l’individu. Malheureusement, personne ne connaît les détails de son plus jeune âge. Mes premiers souvenirs, malgré qu’ils demeurent flous, se figent sur des instants, des événements. Ils ne dessinent pas des périodes, ou des années entières. Uniquement sur des moments précis. J’imagine que la mémoire d’un enfant est sélective, et ne retiens que les bouleversements, les chocs émotionnels, ou les instants magiques d’une vie. Apparemment, j’ai été, durant ma tendre enfance, une enfant pleine de joie de vivre mais cependant assez calme et réservée. J’appréciais la compagnie des autres enfants, sans pour autant me détacher de la présence familiale. J’avais besoin de repères, ce qui n’empêchait pas l’inconnu de faire brûler une étincelle dans mon regard. Et mon premier souvenir fut une boule de feu en mon regard. Je n’avais alors que 2 ans, mais je me souviens à merveille de cette nuit dans les terres d’Ishbal. Chaudement nichée dans les bras imposants mais protecteurs de mon père, assis aux côtés de ma mère, nos regards se tenaient postés sur ce sublime ciel étoilée. C’était une nuit d’été, car, je m’en souviens à merveille, la chaleur nous dévorait doucement. Et je me souviens de cette étoile… Elle semblait si minuscule, si innocente, si éloignée de moi… Et pourtant, sa lumière dispersait une poussière étoilée tout autour d’elle. La lune ne parvenait pas à égaler son intensité, ni sa beauté. Ne  comprenant pas encore les mystères des cieux et de la vie, j’étais convaincue que cette étoile brillait pour nous impressionner, nous et ses semblables. Et peut-être rivaliser avec sa sœur, la lune… Si j’en ai parlé à mes parents ? Je n’en sais rien. Mes souvenirs de cette nuit étoilée s’arrêtent là… Mon second souvenir s’établit lors de mon troisième anniversaire. Mes parents, souriants et aimants, m’entourant, me couvrant d’attentions, de sourires, de regards complices. Une douce célébration en soi… Puis les souvenirs se sont enchainés. Comme tous les enfants de mon âge, je me suis empressée de découvrir le monde et ses merveilles : les animaux, les végétaux, les différents aliments et boissons, les  jeux les plus fous qui puissent exister, le danger, la joie… Et qui dit découvertes dit aussi compagnons ! On enchaine les découvertes et on découvre d’autres personnes tout aussi intriguées que nous. Et ces personnes, comme nous, devrons accomplir ces petits actes qui nous aident à grandir. Comme tout le monde, je me vis forcée d’apprendre certaines choses, plus ou moins intellectuelles. Je m’avérais être plutôt douée pour cela, ce qui fit la fierté de mes parents. Et comme tout enfant, je me découvrais des centres d’intérêt, des sortes de passions. Pour ma part, ce fut l’alchimie. Je savais, comme tout le monde ici, qu’Ishbala n’approuvait pas ce genre de « choses ». Mais cela m’intriguait. Innocemment, j’ai donc commencé à m’y intéresser quelque peu… Mes parents restèrent dans l’ignorance. Pour éviter d’être dérangée dans cette quête de savoir, voulant m’améliorer, je décidais de leur cacher ce centre d’intérêt, me réservant pour le moment où j’en saurais assez, où je me jugerais apte à être digne d’eux. Je savais les efforts que je devrais fournir pour apprendre… Les cercles, les exploitations possibles… Puis la transmutation des objets, le principe d’équivalence, l’utilisation en combat, et de vagues éléments sur les chimères. Me sentant alors apte à exposer mes connaissances, je me suis alors confiée, heureuse, enjouée et fière, à mes parents. Leur unique réaction fut le rejet, la moquerie, et une certaine ignorance pour l’enfant que j’étais…

Je crois que c’est à cet instant que je me suis alors avouée à moi-même. Tous mes souvenirs étaient erronés. De pures créations de mon esprit, une déformation de la réalité pour rendre celle-ci plus douce et adoucir l’esprit et la vie d’une enfant… Je n’étais pas le fruit de l’amour de deux êtres. Juste le fruit d’un accident. On ne m’aimait pas. Et l’on ne voulait pas de moi. Alors on s’efforçait de dépeindre mon caractère et mon physique à l’image d’une enfant que je n’étais pas. On faisait de moi celle que l’on voulait que je sois. Mais je n’étais pas celle qu’ils attendaient. Je crois que j’ai cherché à m’en sortir. Oui, je crois que j’ai essayé de lutter contre cette réalité qui me dévorait et me détruisait de jours en jours. Mais je sais aujourd’hui que j’avais perdu cette lutte d’avance, et qu’elle n’a d’ailleurs jamais réellement commencé… Meurtrie et blessée, je me suis sentie délaissée. Comment ceux en qui j’avais toujours cru pouvaient me détruire à ce point ? Je finissais par être accusée de toutes les horreurs du monde. A les écouter, toutes leurs disputes étaient causées par ma petite personne. Les mots qui sortaient de leurs bouches m’accusaient de tous les malheurs du monde. Et toutes ces responsabilités ont fini par avoir raison de la petite fille que j’étais. De là est né mon caractère. Car, croyez-moi, une enfant ne ressort pas indemne de ce genre de choses. Ces petites choses, qui semblent futiles à un adulte, ça vous détruit une vie. Ne comptez plus sur cette jeune âme que vous avez saignée. Elle ne se confiera plus, s’isolera peu à peu de toute source de vie, se forgera un mental à toute épreuve, établira un mur, une carapace à exhiber aux autres, mais surtout, se noiera dans sa souffrance et se détruira peu à peu, sans que personne n’entende la détresse qui hurle à la mort dans son petit cœur dont les cendres résistent miraculeusement… Alors il ne lui reste plus qu’à devenir celle que l’on désire et à sourire, être heureuse sans poser de questions. Et c’est ce que j’ai fait. A 7 ans, j’étais cultivée, obéissante, sage et souriante. Je menais une vie banale. Et les journées se répétaient. Ma vie volait en éclat. Et j’étais impuissante. Mon existence défilait devant mes yeux sans que j’en ai le contrôle… « Bienvenue dans ce monde, petit bébé… Saches que tout ce que tu feras ou diras sera pris, analysé, détourné, pour que tu te le prennes dans les dents et que tu rentres dans le rang et dans les normes de certaines personnes, quelles qu’elles soient… »

Alors que je poursuivais ma vie dans ce monde qui ne me faisait aucun cadeau, je prenais le temps d’observer ce qui se déroulait autour de moi. Ma neuvième année sur ces terres Ishbales me dévoilait un climat pesant. Les habitants semblaient tendus, comme inquiets, redoutant quelque chose qui me dépassait. A chaque fois que j’arpentais ces ruelles, une ambiance lourde m’oppressait. Mais ce soir-là, une discussion m’inquiéta particulièrement. J’étais en haut des escaliers, mes parents étaient encore dans le salon, à discuter… Je n’étais pas parvenue à saisir tous les éléments de cette discussion, mais ils semblaient inquiets. Comme tout le monde sur ces terres. Cette soirée, c’était la veille. La veille de cet événement que personne n’a su oublier… La guerre d’Ishbal allait être déclarée…

J’avais alors 10 ans à peine… Mais tout le monde autour de nous en parlait. Une guerre civile venait d’être déclenchée entre Amestris et Ishbal. Une armée face à un peuple. Ce qui avait mis le feu aux poudres, ce fut un officier d’Amestris qui avait tué une enfant Ishbale. Mes parents scandaient que leur fille aurait pu leur être arrachée, que tous devaient lutter contre cette infamie. Je sais que cette période fut tumultueuse. Mais je n’en garde que peu de souvenirs. J’ai vécu dans la peur et dans le déni de tout souvenir. Mais je me souviens cependant de cette soirée… J’étais enfermée, comme toujours, à l’intérieur de la maison. La pluie tombait abondamment sur les terres d'Ishbal. J’ai entendu des cris, puis le silence. Quand on a 16 ans, on hésite. Puis on fonce. Et c’est là que je les ai vus. Les corps étendus de mes parents gisaient sur le sol. Je vis au loin une silhouette s’éloigner. Une longue chevelure blanche relevée. Une militaire. Veste, pantalon, gants. Une alchimiste. Tout ce que je pu retenir d’essentiel sur son identité demeurait sur ce gant. Sur sa main droite. Un cercle, trois pointes, un triangle et des croix. Et cette figure est restée encrée dans ma mémoire. Cette femme venait d’achever mes parents… Mon regard se posa alors sur le cadavre de chacun de mes parents. Des larmes ? De la tristesse ? Non. Seul un sourire. Le tendre sourire de la libération… Enfin j’étais face à moi-même. Moi et ma vraie nature… Cette femme venait de me délivrer…

Les années passèrent… Un an plus tard, alors que j’arpentais les ruelles en me faisant la plus discrète qui soit, j’aperçu un homme. Je ne sais comment cela a pu arriver mais en un regard, nous étions liés. Il était grand, la peau mate, les cheveux ébène, courts, et le regard, d’un rouge flamboyant. Il aiguisait ses lames en silence, me fixant. Je me suis approchée, et la discussion s’est enchainée comme si nous avions toujours vécu ensemble. Lloyds, 19 ans, alors de 3 ans mon aîné, devenait mon âme sœur. Main dans la main, en quelques à peine, nous sommes tout devenu l’un pour l’autre. Cela semblait irréel. Mais je pense que c’est cette lutte qui nous a unis. Nous étions seuls, face à une guerre sans merci où les Ishbals étaient voués à périr… Mais nous avons survécu. Et lorsque j’eu mes 17 ans, la guerre cessa enfin. Mais nous ne voulions plus vivre ici. Alors cupides, nous avons suivi un Ishbal. Il était alchimiste et promettait de nous aider. Oui mais, entre le moment où nous entreprirent ce voyage et l’instant où nous nous sommes réveillés dans ce hangar, un véritable trou noir demeure dans mon esprit. Mais dès mon réveil, j’ai compris ce qu’il nous était arrivé…

L’endroit était sombre, mais je percevais les détails comme en plein jour. A mes côtés, Lloyds était encore assoupi. Et à quelques mètres de nous, sur le sol, nous pouvions apercevoir le fameux alchimiste. Ou plutôt son cadavre. Il semblait vidé de toute vie, de toute énergie. Et sur le sol, des cercles d’alchimie complexes avaient été dessinés. Je ne mis que quelques instants à comprendre. Dans tous les livres que j’avais pu lire dans ma jeunesse, la transmutation était citée, notamment la création de chimères… Quelques feuilles trainaient au sol… Des esquisses de cercles, et quelques mots, éparpillés… C’est ainsi que tout m’apparut clairement. Nous étions désormais des chimères. Une femme alliée à une panthère, et un homme allié à un tigre blanc.

Suite à cela, tout s’enchaina très vite. Entraînement et survie devinrent notre quotidien. Nous avons exploité nos capacités nouvelles et développé des compétences particulières. Nous pouvions tous deux exploiter le combat corps à corps. Lloyds s’est perfectionné en armes blanches, et moi en armes à feu. Et le moment vint pour nous de nous séparer. Rester unis devenait trop dangereux. Alors chacun pris un chemin différent.

Je voulais m’imposer, avancer discrètement, me mêler à la foule. Amestris me sembla l’endroit idéal pour cela. Alors que je venais d’avoir 23 ans, j’ai choisi cette voie. A moi de voir où je veux que celle-ci me mène…